Le 7 juin 1985 Serge Gainsbourg est l’invité-vedette de l’émission Le jeu de la vérité de l’irritant Patrick Sabatier, sur TF1. C’est un immense succès d’audience, et Gainsbourg – d’une sobriété éclatante – crève l’écran. Il est à deux doigts – de bourbon – d’être le gendre idéal. Le poète racontera plus tard, par hasard et pas rasé, cette croustillante péripétie à son biographe Gilles Verlant : « Je sors dans les boîtes. Arrive une jeune fille assez jolie qui se met à ma table et se colle à moi en m’accablant de compliments. Elle me raconte que son père a adoré l’émission, en particulier l’histoire du petit immigré que j’ai raconté à la première personne : ‘Je vais voir Mitterrand et je lui demande Combien vous me donnez pour que je me casse ? Il me répond 10 briques, je vais voir Raymond Barre, même question, il me propose 50 briques, puis je vais voir Le Pen, même question Combien vous m’donnez pour que je m’tire ? – Cinq minutes !’. La fille me dit ‘Mon père était plié en deux’. Je finis par lui demander : ‘Mais qui c’est votre père ?’ Eh bien c’était la fille de Le Pen… Je l’ai sortie toute la nuit, jusqu’aux aurores… » .
Difficile de savoir si cette savoureuse histoire est véridique, ou relève du sens éprouvé de la provocation de l’homme à la tête de chou. Délicat aussi de savoir si l’éruptif Serge songeait ici à Marie-Caroline Le Pen, qui avait alors 25 ans, à sa sœur cadette Yann, 21 ans en 1988, ou bien alors à Marine, qui n’avait alors que 17 printemps… Reste qu’au-delà de l’anecdote plaisante – celle de la fille du leader d’extrême droite provoc tombant sous le charme anar-chic du trublion subversif, bien que commercial, de la chanson française – se dégage une forme d’allégorie de la séduction insidieuse… Un vertige qui s’exprime en ces termes : devons-nous laisser, Mlle. Le Pen s’asseoir à notre table et se « coller à nous » ?
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