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Sénatoriales, ça changera quoi ?


Gérard Larchet et Jean-Pierre Bel. Crédits image : Daniel Fouray

Faut-il croire, comme Jean-Pierre Bel, actuel président du groupe socialiste à la Chambre haute, et futur Président probable de cette assemblée, que « ce 25 septembre restera dans l’Histoire de France » ? Disons-le tout net, cet enthousiasme du sénateur de l’Ariège, quoique bien compréhensible, mérite d’être tempéré.

Certes, il s’agit d’une mauvaise nouvelle pour l’UMP et pour Nicolas Sarkozy. Mais il ne faudrait pas confondre mauvaise nouvelle et mauvaise surprise : le vrai scoop aurait été que la droite maintienne ses positions, alors que depuis 2007 la gauche a raflé les cantonales, municipales et régionales, et que ce sont justement les grands électeurs issus de ces trois scrutins qui étaient appelés aux urnes hier.

Pour autant, cette poussée aux élections locales n’explique pas entièrement ce basculement à gauche, pas plus que les divisions de la droite, qui bien souvent ne changent pas grand chose à la donne. Ainsi, à Paris, le siège perdu par l’UMP va directement à… Pierre Charon, désormais « divers droite », et ne profite donc pas à la gauche. En revanche, il est fort possible qu’un certain nombre de grands électeurs des communes rurales, non affiliés à un camp ou à l’autre, ait choisi, après hésitations, de voter pour la gauche, et ce pour des raisons diverses : mécontentement politique « généraliste » vis-à-vis du président et de l’UMP, mécontentement politique, plus catégoriel cette fois, vis-à-vis de la réforme des collectivités locales menée à marche forcée par Nicolas Sarkozy, et peut-être aussi, prudence légendaire des notables qui font l’élection et qui, anticipant, au vu des sondages, une défaite du président sortant en 2012, préfèrent ne pas insulter l’avenir.

Cela dit, ce résultat désagréable ne signe pas plus la fin des haricots pour les perdants qu’il ne présage de mois cauchemardesques à venir pour l’Elysée. D’ores et déjà, le PS a laissé entendre que tout en jouant son rôle d’opposant, la nouvelle majorité ne ferait pas d’«obstruction» sur les deux textes stratégiques à venir, à savoir le Budget et la Loi de financement de la Sécu. Cette stratégie est marquée au sceau du bon sens : en période de crise mondiale, la gauche n’a pas du tout intérêt à apparaître comme voulant bloquer, ou même affaiblir, les institutions. En attendant, cette posture raisonnable pourrait bien faire les affaires du président-candidat Sarkozy.

Quant à la Règle d’or, n’en déplaise à François Hollande, qui juge que la victoire d’hier l’a rendue caduque, elle était déjà enterrée depuis plusieurs semaines, faute de majorité des deux tiers pour la voter en Congrès. On ne le répétera d’ailleurs jamais assez, il est assez plaisant de voir le favori des sondages socialistes se réjouir de ce résultat, alors qu’il a nommément approuvé le principe de cette même Règle d’or. S’il est finalement candidat à la présidentielle, un mot d’esprit, ou deux ou trois, ne suffiront pas à le dégager des dents du piège à loups où Nicolas Sarkozy l’a coincé…

Le Sénat sera donc à gauche, sauf hold-up, pas totalement impossible de Gérard Larcher sur le « troisième tour » de samedi prochain, mais il nous semble que le cœur n’est plus aux exercices de haute voltige. Non seulement « ce changement historique » ne dit pour ainsi dire rien de la vraie élection, celle de l’an prochain, mais en plus, il ne l’influencera pas, le PS n’ayant ni les moyens, ni le souhait de faire dans les mois qui viennent du Luxembourg un bunker de résistance au sarkozysme, un peu à la façon de ce qu’il fut sous le premier septennat mitterrandien. En fait une telle conjecture ne pourrait advenir que si le Président actuel (celui de la République) était réélu. Jean-Pierre Bel, Catherine Tasca et David Assouline auraient alors cinq ans pour faire de leur boutique un lieu nettement plus ambiancé que le Palais-Bourbon.

En revanche, si comme le souhaitent les vainqueurs de ce dimanche, la gauche emporte la présidentielle et les législatives qui vont avec, personne n’entendra plus jamais parler du Sénat, sauf pour la prochaine expo de peinture au Musée du Luxembourg…



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