Devant l’insistance des journalistes, la députée Sandrine Rousseau a finalement fait preuve de bravitude : non, elle ne voit pas d’un bon œil Ségo en tête de liste de la Nupes aux élections européennes. Récit du dernier camouflet infligé à la star du Poitou.
Ce mardi 5 septembre, dans l’émission Quotidien, Jean-Michel Aphatie – qui semble avoir trouvé immédiatement ses marques dans une émission qui se targue d’informer en divertissant – fait son numéro habituel, mélange de bon sens du terroir surjoué et d’argumentation sarcastique. Après avoir rappelé la proposition de Ségolène Royal de réunir sous sa bannière toute la gauche pour les prochaines élections européennes, le journaliste dresse un portrait goguenard de la prétendante au rôle de fédératrice puis interroge l’invitée du jour, Sandrine Rousseau : « À votre avis, Ségolène Royal peut-elle représenter la gauche ? » La députée écologiste hésite, demande si elle a droit à un joker puis répond sobrement, l’air pincé : « La réponse est non ! »
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Sandrine Rousseau, à l’inverse de la majorité de son parti, aurait aimé qu’une liste d’union de la gauche se présente aux Européennes. Mais pas avec n’importe qui pour la diriger – elle se souvient que LFI avait promis de confier la tête d’une éventuelle liste commune à un écologiste. Devinez qui se sentait prête pour remplir cette mission ?
Star Academy
Ce qui manque à cette gauche, a dit la députée pour tacler Ségolène Royal, « ce n’est pas une star ». Sandrine Rousseau versus Ségolène Royal, c’est le combat des cheffes sur le ring des médias – ces deux-là savent faire le buzz et sont prêtes à tout pour attirer les projecteurs sur elles. Sandrine Rousseau n’a pas manqué l’occasion, sur le plateau de Quotidien, de montrer sa différence avec Ségolène Royal en même temps que ses accointances avec LFI sur certains sujets : elle est, par exemple, contre l’interdiction de l’abaya à l’école au nom des « valeurs de la République », et parce que « ce n’est pas un sujet fondamental ». Une « machine de broyage médiatique et ministérielle » a été mise en branle contre des « jeunes filles », selon la députée écologiste qui conclut : « Et je me dis qu’on n’a pas complètement déconstruit les rapports notamment hommes/femmes ». Seule Sandrine Rousseau pouvait oser proférer une telle incongruité – nul doute que pour graver de colossales absurdités au fronton du bâtiment de la gauche en ruine, la star, c’est Sandrine.
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Mmes Royal et Rousseau participent, chacune à sa manière, à l’effondrement de la gauche. Elles ne sont pas les seules et cet effondrement n’est pas que pure hypothèse : le PC et le PS soubresautent au fil des élections en attendant le râle final. L’extrême gauche rouge et verte, immigrationniste, islamo-gauchiste et wokiste, baisse dans les sondages. Les insoumis semblent n’avoir plus d’autre objectif que de mettre la France à genoux et visent en priorité l’électorat musulman. Les écolos, à force d’oukases écologiques « décroissants » et de sermons apocalyptiques sur le climat, exaspèrent une bonne partie de la population et adoptent à leur tour les recommandations de Terra Nova, à savoir chercher à récupérer les voix des « minorités », des femmes, des jeunes diplômés et des Français d’origine immigrée – recommandations suivies à la lettre par LFI. Sur le plateau de Quotidien, un journaliste évoque le dernier sondage (IFOP pour Charlie Hebdo) révélant que 79% des sympathisants EELV et 58% des sympathisants LFI approuvent l’interdiction de l’abaya à l’école. Sandrine Rousseau n’en a cure : « On n’est pas là pour flatter les opinions les gens, je pense qu’on est là pour défendre des valeurs, moi je défends des valeurs », s’agace-t-elle. De son côté, au micro de RCF, Ségolène Royal s’en tient à la loi interdisant les signes religieux ostentatoires à l’école et ne mégote pas, à l’inverse de Sandrine Rousseau et des députés LFI, sur l’interdiction de l’abaya qui devra être appliquée, dit-elle, avec « pédagogie et bienveillance » mais sans faillir. Malgré tout, l’envie d’être sous les feux de la rampe l’emportant sur le reste, elle n’a pas hésité, quelques jours auparavant, à se rendre aux universités d’été de LFI et à proposer ses services…
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Lors de ces universités, Ségolène Royal a dit être « au-dessus des partis » et vouloir « déclencher et faire converger une dynamique d’union ». Afin d’attendrir un public réputé revêche et inhospitalier, elle n’a pas hésité (c’est à ça qu’on la reconnaît) à en appeler à la « tendresse en politique » et à justifier le fait de vouloir le pouvoir, non pour le pouvoir, mais « parce qu’on aime les gens qui nous le confient provisoirement ».
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Hypocritement, Jean-Luc Mélenchon a salué la démarche de Mme Royal en sachant qu’elle ne mènerait nulle part ; il s’est surtout régalé de voir les socialistes et les écologistes se faire tirer les oreilles par l’ancienne candidate aux présidentielles qui, pleine de bravitude, ose affirmer que « LFI s’est sacrifiée pour les législatives au profit des partenaires de la Nupes » qui ont oublié « les bénéfices qu’ils ont tirés de l’union ». Les premiers visés par cette diatribe, les socialistes, pensent également que Ségolène Royal ne représente plus la gauche. Pour beaucoup d’entre eux, Ségolène ne représente plus que Royal, une « marque » en mal de visibilité et n’hésitant pas à faire monter la mayonnaise médiatique et la moutarde aux nez de ses anciens collègues socialistes pour ne pas disparaître de l’offre politique. Certains représentants d’EELV pensent grosso modo la même chose de leur collègue Sandrine Rousseau. Royal et Rousseau ont en commun, en plus d’une absence de véritable programme, un égo surdimensionné, un surmoi en vacances et une appétence pathologique pour l’exposition médiatique, d’où leur détestation réciproque et l’agacement de leurs camarades. Toutes les deux la jouent perso et osent tout – même leurs acolytes politiques semblent avoir de plus en plus de mal à supporter leurs incartades médiatiques qui n’ont qu’un but, faire parler d’elles. D’où la question suivante : Si Ségolène Royal ne le peut pas, Sandrine Rousseau peut-elle, elle, représenter la gauche lors de prochaines élections ? En plus des communistes, des socialistes et des insoumis qui, unanimement mais pour des raisons différentes, répondraient vraisemblablement par la négative, il n’est pas certain qu’au sein même de la gauche écologiste, il ne se trouve pas une bonne partie de sympathisants pour penser que… « la réponse est non ! »
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