Ingratitude ! Que la droite se réjouisse qu’une tête symbolique soit tombée, c’est bien naturel, surtout dans un contexte de double défaite. Mais ceux qui, à gauche, rient sous cape ou font parfois sauter les bouchons de champagne pour fêter la défaite de Ségolène Royal à La Rochelle ne méritent pas la même indulgence. Pendant toute la campagne présidentielle, elle s’est montrée exemplaire dans le soutien au candidat. L’échec de Royal à la primaire socialiste ne doit pas faire illusion.[access capability= »lire_inedits »] Si son score fut si faible, c’est parce que les petites gens qui l’aiment ont peu voté, au contraire des fonctionnaires. Ces derniers, pour signifier leur défiance face à la financiarisation et le libre-échange intégral, lui ont préféré Montebourg.
Il faut se souvenir de sa passe d’armes avec Cécile Duflot suite à la décision gouvernementale sur les « zones noires » consécutives à l’ouragan Xynthia ou à l’occasion de son combat contre la taxe carbone. À cette époque, Ségolène Royal souhaite déjà prendre la défense de la France qui vit dans des pavillons en zone rurale ou périurbaine. Elle a lu Recherche le peuple désespérément de Brustier et Huelin. Elle sait donc déjà qu’il ne faut pas laisser ces classes populaires ou moyennes déclassées à Marine Le Pen ou Nicolas Sarkozy, sous peine de défaite assurée.
Au lendemain du premier tour, elle ne s’est nullement étonnée que, même dans son Ouest poitevin, cette France des invisibles ait offert des scores en hausse à Marine Le Pen. Et c’est elle qui monte à l’assaut pour expliquer qu’il ne faut ni dénigrer ni insulter ceux qui ont voté pour la candidate frontiste, ajoutant, sans craindre de désespérer Libé, que « ceux qui s’inquiètent des flux de clandestins ne sont pas des racistes ». François Hollande n’a pas cédé un pouce à Nicolas Sarkozy sur ce terrain-là, n’écoutant ni Libé, ni Les Inrocks, allant même, lors de leur fameux débat, jusqu’à évoquer avant son contradicteur la viande halal et lui reprocher sa position sur le voile à l’École. Alors que le président sortant le pilonnait sur ce thème, reculer, c’était prendre le risque de perdre.
Bien lui en a pris, il s’est engouffré dans la brèche ouverte par Ségolène Royal, laquelle, qu’on le veuille ou non, a constitué une pièce essentielle de cette victoire de la gauche, attendue depuis vingt-cinq ans. Lionel Jospin, dont on attend encore le soutien à la candidate PS, peut être satisfait : le voilà débarrassé de sa mauvaise conscience.[/access]
*Photo : crown04
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