Le 23 juillet 2015, dans une interview pour la BBC, Barack Obama est revenu sur le sujet du contrôle des armes à feu en Amérique. Lui qui avait promis durant sa campagne de changer le second amendement, a déclaré que son échec à le réformer était la « plus grande frustration » de ses deux mandats. Un sentiment compréhensible, tant les chiffres des morts par balles aux Etats-Unis, qu’il a rappelés dans la même interview, parlent d’eux-mêmes. Les victimes se comptent par « dizaines de milliers » a-t-il dit, tandis que moins d’une centaine de personnes sont mortes dans des attentats terroristes depuis le 11 Septembre 2001.
De toutes les tueries qui ont émaillé l’histoire récente des Etats-Unis, celle qui a le plus marqué l’opinion a eu lieu à Newton le 14 décembre 2012. Après avoir tué sa mère, Adam Lanza avait abattu 25 personnes, dont 20 enfants, avant de se suicider. C’est suite à cet événement, qui avait choqué l’opinion publique, que Barack Obama avait initié une procédure au Sénat pour réguler la vente des armes à feu. Mais les élus démocrates ont progressivement renoncé au projet car ils ne disposaient pas des soutiens nécessaires à l’adoption d’un texte.
L’échec de Barack Obama s’explique par la forte opposition qu’il a rencontrée de la part, notamment, du lobby de l’armement. La National Rifle Association (NRA), plus puissant comité de défense du port d’armes, a tout fait pour éviter que les démocrates fassent passer leur projet de loi. Fort de ses quatre millions d’adhérents, la NRA dispose d’une grande influence sur les résultats des élections et donc sur les sénateurs, en particulier républicains. Mais, plus généralement, une grande partie du corps politique américain défend le droit des citoyens à porter des armes. Et si le président porte un point de vue tranché sur la question, en phase avec l’opinion internationale (qui adore se mêler des problèmes américains), beaucoup d’hommes politiques de premier plan n’hésitent pas à dénoncer sa position.
Ainsi, Rick Perry, ancien gouverneur du Texas et candidat à la primaire républicaine pour la présidentielle, a déclaré, après la tuerie qui a eu lieu dans un cinéma à Lafayette en Louisiane ce 23 juillet, que les gens devraient être autorisés à se rendre au cinéma avec une arme. En disant cela, il reprend une vieille antienne du dirigeant de la NRA Wayne Lapierre : « La seule chose qui arrête un sale type avec une arme, c’est un type bien avec une arme. »
Et cette opinion est très répandue dans la société américaine, notamment dans le sud. Au Texas, justement, où les armes à feu constituent une véritable tradition, la législation sur le port d’armes évolue… en faveur des pro-armes. Dès août 2016, les étudiants et les professeurs seront par exemple autorisés à porter leurs revolvers sur eux au sein des campus.
Malgré la multiplication des tueries en Amérique[1. Une étude de la police fédérale du 24 septembre 2014 dénombre 160 fusillades entre 2000 et 2013 et relève une importante augmentation : 6 fusillades par an entre 2000 et 2006, 16 entre 2006 et 2013.], le lobby de l’armement continue de recueillir de nombreux soutiens. Obama a donc dû avouer son échec et n’a quasiment plus aucune chance de faire avancer la situation d’ici la fin de son second mandat.
Son erreur est d’avoir cru que la déferlante de violences auraient l’effet d’une catharsis pour les Américains. Dans un discours de 2012, le président américain avait notamment mis en avant le fait que son pays était le seul en Occident à déplorer ce type de carnages puisqu’il était aussi le seul à être à ce point libéral dans sa législation sur l’armement des citoyens. Il pensait que la traditionnelle défense du second amendement ne résisterait pas à l’épreuve du réel.
Mais les résistances au contrôle des armes ne viennent pas seulement d’une défense de la tradition. Au contraire, ce n’est pas l’aveuglement qui dicte aux Américains leur frilosité, mais la peur qui dope leur désir d’armement. Et la multiplication des tueries a fait augmenter significativement le nombre d’Américains favorables au libre-commerce des armes, y compris les plus meurtrières.
Une étude menée par la Pew Research montre comment l’opinion américaine évolue sur ce sujet depuis la fusillade de Newton. Alors que 48% des Américains pensaient en 2012 que les armes peuvent aider à lutter contre les crimes, ils étaient 57% à partager cette opinion en 2014. Se ralliant au discours de la NRA, les Américains veulent assurer par eux-mêmes leur sécurité.
Autrement dit, plus les tueries se multiplient, plus l’électorat est défavorable à la réglementation sur les armes. Face à ces chiffres, Barack Obama ne peut que s’avouer vaincu. Sans une baisse notable de la criminalité, il semble qu’il lui sera impossible de changer la loi. On ne se débarrasse jamais que de ce dont on n’a plus besoin.
*Photo : Sam Greene/AP/SIPA/NO SALES/OHCIN101/824847026340/MANDATORY
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