La déferlante d’indignation, le tsunami de commentaires moqueurs qui ont accompagné l’élection d’Eve Gilles, représentante du Nord-Pas-de-Calais au titre de Miss France, font réagir notre chroniqueur, grand amateur de beautés diverses et qui en aucun cas ne se limiterait aux standards plébiscités par les imbéciles — dit-il.
Une amie, enseignante aux cheveux courts et aux idées longues, se fait souvent insulter, dans la rue, par les jeunes suppôts de la religion de paix, d’amour et de terrorisme de sa ville. « Sale gouine ! » lancent-ils — rajoutant souvent : « Juive » — non qu’elle en ait le type popularisé par les nazis dans la fameuse « exposition zoologique » (dixit Patrick Modiano) de 1941 Le Juif et la France, au Palais Berlitz, dont je vous recommande l’image en couverture du catalogue, mais c’est pour eux une injure additionnelle.
Pas une Miss standard, et alors ?
Chaque époque et chaque « communauté » se fabrique ses stéréotypes. Pour les Musulmans marseillais, la femme — la vraie — est un clone de Kim Kardashian, source principale de leur usine à fantasmes. Un nombre sidérant d’adolescentes se font lisser les cheveux, elles les teignent en noir en les séparant, comme Morticia Addams, par une raie médiane, dans le prolongement de celle de leurs fessiers surabondants, elles portent des push-up trois fois trop petits pour elles afin d’exhausser leurs mamelles déjà tombantes, et se maquillent à la truelle dans les tons « noir c’est noir ».
Évidemment, cette surexposition de pouffiasses n’a pas manqué d’insinuer dans les cervelles un nouveau standard, vulgaire à souhait.
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Alors, quand l’Académie des Miss élit une jeune femme qui lorgne plus vers Audrey Hepburn que vers Camélia Jordana, ce n’est qu’un cri dans le Landernau. Elle est anorexique puisqu’elle n’est pas boudin. Elle est androgyne — transgenre même, a-t-on pu lire brièvement dans une correction — supprimée depuis — de sa fiche Wikipédia. Elle est née « dans les îles », dit-on non sans un petit sous-entendu raciste de cette native de Dunkerque, sous prétexte que sa mère vient de La Réunion : et la tienne, Etienne ? Elle ne fait pas la taille requise, a même précisé La Voix du Nord, il lui aurait manqué quelques millimètres pour atteindre les fatidiques 1m70 requis pour pouvoir concourir. Diable ! Une Miss qui n’est pas une grande sauterelle, c’est inacceptable, n’est-ce pas…
De surcroît, cette étudiante en Maths / Informatique semble penser — un crime. « J’aimerais montrer que le concours évolue et la société aussi, que la représentation de la femme est diverse, selon moi la beauté ne se résume pas à une coupe de cheveux ou à des formes qu’on a… ou pas », a-t-elle souligné lors de sa qualification dans le top 15, soulignant, avec humour, qu’une couronne tiendrait très bien sur sa tête. Puis d’ajouter, en conférence de presse : « Le body shaming, on le subit au quotidien, peu importe. On a tous nos imperfections. Chaque femme est différente, nous sommes tous uniques. » Ainsi parle Sud-Ouest. Pour un peu elle citait Beauvoir. On ne naît pas Miss, on le devient. Je crois bien !
Le standard ne définit pas la beauté
Au moment même où Gabriel Attal promet des cours d’empathie afin de désarmer les futurs harceleurs (j’y reviendrai peut-être), une Miss est harcelée parce qu’elle ne se soumet pas aux standards d’une mode ignoble. Quel beau pays !
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Chaque époque a ses Vénus — et ses Eve. Au XVIe siècle, contrairement à ce que vous imaginez, elles sont tout juste sorties de l’enfance, seins à peine pubères et ligne élancée. Voyez les Vénus de Cranach. Début XVIIe, la reine Marie de Médicis, rondelette dès l’adolescence, impose son standard à Rubens, dont les Grâces sont confortablement dodues, et quelque peu celluliteuses. D’époque en époque, la taille s’est épaissie / amincie, les seins sont devenus plus lourds, le standard nord-américain (ils ont manifestement un problème avec le sein maternel, là-bas) s’est imposé, les actrices pornographiques en ont rajouté, grâce à l’industrie du silicone, puis enlevé — l’évolution des nichons de Pamela Anderson, du ballon de basket à la balle de tennis, est emblématique de ces errements successifs. On a voulu des femmes petites (vos coupes à champagne ont été taillées, à l’origine, sur le sein de la Pompadour), puis on a adoré les créatures de Russ Meyer et épinglé (c’est le sens de « pin-up ») Bettie Page, y compris en Mère Noël. L’image mentale sur laquelle les adolescents se répandaient en « cartes de France » (cherchez, si vous ne savez pas !) a considérablement changé. So what ?
Alors, Eve Gilles a les cheveux courts — la belle affaire ! Ingrid Bergman aussi dans Pour qui sonne le glas, et elle est sublime. Elle a peu de seins ? Garbo n’en avait pas plus, et on l’appelait « la Divine ». Elle est un peu maigrichonne ? Ma foi, elle a bien le temps de grossir et de ressembler aux grosses dondons qui alimentent vos rêves. Telle quelle, elle est très jolie.
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