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Le savant et le politique

Humilité réclamée à tous les étages!


Le savant et le politique
Michel Cymes, le précurseur de la télémédecine en France. © PJB/SIPA Numéro de reportage: 00675849_000081

Alors que les politiques ont failli à prévenir l’épidémie de coronavirus, les populations apeurées se tournent vers les scientifiques. Mais malheureusement, la “médicocratie” qu’elles appellent de leurs vœux n’a pas encore de solution et ne parle même pas d’un seule voix !


Cela ne faisait plus aucun doute pour notre occident dont l’économie et l’état d’esprit ont pénétré la planète entière : la marche effrénée de la science allait bientôt recouvrir le monde et réduire par ses progrès le vivant à une simple mécanique d’horloge. Par l’émergence de l’intelligence artificielle – qui s’immisce dans tous les secteurs de l’économie et arrive à une prévisibilité parfaite des comportements -, allait enfin advenir un temps arrêté où les prédictions annihileraient l’imprévisible !

La science impuissante ?

Seulement voilà : en moins de trois mois, un Chinois lambda préparant ou ingurgitant un steak de pangolin a mis le système international à genoux, et la collaboration de l’humanité entière mise en connexion simultanée grâce à la mondialisation ne suffit pas à ce jour à connaître ce virus assez bien pour le combattre. Heureusement qu’il ne se manifeste souvent que sous la simple forme d’une grippe assez classique. 

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Face à cette manifestation très peu probable qui change radicalement le cours des événements – ce que Nassim Nicholas Taleb appelle après David Hume un « cygne noir » – la science parait impuissante.

Le citoyen français lui-même est dans l’incompréhension et finirait presque par s’étonner qu’on n’ait pas encore trouvé la panacée qui nous sauverait de ce confinement général. Gâté par une économie à la mesure de ses désirs, le citoyen désarmé finit par s’en remettre à un État qu’il ne faisait que maudire. Il se jette à corps perdu dans des procès en imprévoyance ou – pire – se met à fustiger la baisse des dépenses publiques après l’avoir vigoureusement appelée de ses vœux… Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. Ceux qui se réjouissaient de la baisse des prix et du confort offerts par la mondialisation, en crachant sur un État soustrait aux lois du marché, l’appellent maintenant à l’aide.

“Le virus n’a pas de passeport” qu’ils disaient, nos experts!

Si je reconnais comme nombre de Français une gestion idéologique et désastreuse de la crise dans les premières semaines, si je déclare aussi volontiers que les révélations larmoyantes d’Agnès Buzyn sont un modèle de lâcheté politique et de d’irresponsabilité qui fait honte à notre système de santé, il est très facile de venir après la guerre crier qu’il aurait fallu préserver les stocks de masques, ou éviter de délocaliser notre industrie de santé.

Puisque la santé a monopolisé si brutalement l’action politique, une nouvelle figure a fait son entrée dans le débat public : celle du médecin. On pensait enfin avoir affaire à une parole sérieuse et véridique, confiant à la blancheur de la blouse la hauteur de la vérité : au diable la politique et place aux experts. Sauf que là aussi la confusion est grande, et le citoyen se rend compte que la médecine elle-même peine à sortir du régime de l’idéologie. Après une période conséquente au cours de laquelle quelques médecins ont parcouru les plateaux télé en disant que la fermeture des frontières était stérile, nous y voici. Emmanuel Macron disait lui-même il y a 10 jours : « Le virus n’a pas de passeport ». Une épidémie si massive et si contagieuse rendait selon les experts toute tentative de protection ou de détection au cas par cas parfaitement inutile. Les masques et les tests, inutiles comme les frontières, nous disait-on. Aujourd’hui, voici que des frontières toujours plus imperméables s’invitent à la porte de nos foyers et que le chef de l’État s’empare d’un discours aux accents guerriers.

Populisme médical

Un débat s’est installé entre les médecins : c’est ainsi que Didier Raoult, un professeur qui relativise la gravité de la situation et promet des essais assez concluants sur l’efficacité de la chloroquine, a fini par incarner une sorte de « populisme médical », en préconisant un peu de bon sens et des solutions plutôt orthodoxes, avant d’être finalement écouté jusque dans les plus hautes instances et d’attirer dans ses services marseillais des pèlerins de la France entière. 

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Je ne souhaite en rien introduire un relativisme parfait dans l’ordre des vérités scientifiques : le savoir confère bien une légitimité supérieure à l’expert pourvu qu’il en fasse un usage politique le moins possible. Il faut simplement en tirer des leçons sur le rapport de croyance béate que nous entretenons vis-à-vis d’une certaine communauté scientifique, qui peut se tromper massivement et qui n’est pas à l’abri de l’endoctrinement.

Après les âges « religieux » et « métaphysiques », Auguste Comte supputait que nous basculerions dans un âge dit « positif », où le paradigme scientifique façonnerait les représentations du monde. À la faveur de la crise actuelle, nous prenons la mesure de notre erreur et sommes forcés de remettre à sa place la science, qui n’est jamais qu’un chemin vers la vérité plus qu’un stock de vérités établies. Le sens commun le plus élémentaire est toujours de mise et le politique a encore quelque chose à dire avec – ou contre – le scientifique.



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