« La Manif pour tous dénonce le caractère pornographique du film Sausage party écrit Le Monde comme si ce caractère pornographique annoncé n’était pas à questionner, comme si le plus important était le positionnement de la Manif pour tous sur cette question.
Un film interdit aux moins de 12 ans
Sausage party, un film que digère mal la Manif pour tous ». « La Manif pour tous part en croisade contre le film Sausage party titrent respectivement Le Figaro et le Huffington Post. L’événement, si l’on en croit tous les médias s’étant emparé du sujet ces derniers jours, n’est pas qu’un dessin animé interdit aux moins de 17 ans aux Etats-Unis et présentant toutes les caractéristiques d’un film d’animation pornographique (scènes de sexe explicite, partouze géante, dialogues et bruitages qui n’ont rien à envier aux films pornos) ne soit interdit en France qu’aux moins de 12 ans-aux moins de 7 ans en Suède! Non, l’événement, c’est que la Manif pour tous ait osé se prononcer contre la diffusion de ce film aux mineurs.
Pas étonnant, dès lors, qu’aucun média ne remette en question l’interdiction aux moins de 12 ans, les uns se contentant de reprendre les accusations lancées par la Manif pour tous sans jamais s’interroger sur la pertinence de celles-ci, les autres choisissant de moquer « toute la nébuleuse catholique traditionnelle » (Les Inrocks) . « Toujours à l’affût d’une polémique pour exister dans le champ médiatique, la Manif pour tous vient à nouveau de se ridiculiser en s’attaquant à Sausage party » explique même Télérama avec toute l’impartialité qu’on lui connaît. Pourquoi s’est-elle ridiculisée, en quoi ses arguments seraient-ils irrecevables ? On ne le saura jamais, le journaliste en charge du papier s’attaquant tour à tour à un papier du site infochrétienne.com puis du Figaro plutôt qu’aux arguments de la Manif pour tous.
Manif pour tous, la nouvelle reductio ad hitlerum?
Il est certes bien commode de se cacher derrière la Manif pour tous pour éviter le débat. Mais on peut légitimement se demander s’il est normal, pour des médias réputés sérieux, de ne pas pouvoir penser en dehors d’un mouvement catholique qu’ils qualifient eux-mêmes de « ridicule ». Toute leur démonstration ne consiste dès lors qu’à prouver que le film « prétendument pornographique » (Les Inrocks) ne l’est pas, Télérama allant jusqu’à dénier le caractère dérangeant du film, le qualifiant ironiquement de « hautement subversif » puisque « le héros est une saucisse qui parle » et Les Inrocks concluant ainsi leur papier : « De là à empêcher la diffusion d’un film sur des saucisses qui parlent et se rebellent contre la société de consommation, il y a un pas ». Pour un peu, on nous ferait croire que la Manif pour tous a voulu faire interdire le film pour empêcher qu’on donne la parole à une saucisse.
On aurait attendu de la part de tous ces journalistes avides de tendre des micros pour recueillir des réactions, qu’ils aient la curiosité d’interroger les personnes directement concernées par le problème, à savoir les parents. Mais si l’on en croit leurs articles, aucun parent n’appartenant pas à la Manif pour tous n’aurait été lui aussi choqué d’apprendre cette interdiction aux moins de 12 ans, et ce malgré les 16000 signatures déjà récoltées par la pétition en ligne demandant que sa classification soit revue.
Des enfants, il n’est quasiment jamais question, trop occupés que sont les journalistes à vilipender les adultes de La Manif’ pour tous. Et pour cause, le Huffington Post nous apprend en effet qu’à 12 ans, on est presque un adulte : « le film ne s’adresse pas aux enfants mais aux mineurs et adultes d’au moins de 12 ans ». Et il faut croire qu’en Suède, les enfants sont juste un peu plus précoces que chez nous. D’ailleurs, la vraie raison de la réaction indignée de La Manif’pour tous serait qu’en réalité elle est choquée, « effrayée » même si l’on en croit Les Inrocks, par toutes ces saucisses dénudées prêtes à se livrer aux pires excès.
Le porno moins transgressif que jamais
C’est toujours fascinant de constater à quel point certains journalistes sont convaincus que le porno, en 2016, c’est éminemment transgressif. Et que c’est pour cette raison qu’on cherche à le faire interdire, ne voyant dans la défense des enfants qu’on cherche à mettre en avant qu’un prétexte à un combat d’arrière-garde. Mais ça ne l’est pas moins de voir à quel point ces gens-là pensent, avec un sentiment de supériorité à peine déguisé, que l’on a beaucoup avancé depuis qu’au lieu d’ériger systématiquement le sexe en vice, on l’érige systématiquement en vertu. Que le « dialogue intergénérationnel » se porte pour le mieux, maintenant qu’après avoir bâti des murs entre le monde des adultes et des enfants, on a choisi de rendre cette frontière de plus en plus poreuse. Et qu’on soit passé, sans nuance, d’un monde où on leur cachait tout, à un monde où on leur montre tout.
« L’histoire de l’humanité devient de plus en plus une course entre l’éducation et la catastrophe » disait H. G Wells. Il semblerait que l’une ait pris un peu d’avance sur l’autre.
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