J’ai attentivement écouté le discours prononcé par Nicolas Sarkozy à Montpellier et consacré à l’Ecole. Sur l’éducation en question, pas grand chose à signaler à part le fait que j’ai bien cru qu’il allait réhabiliter Madame de La Fayette mais qu’il y avait renoncé – la pudeur sans doute. Cette ode à la Culture aurait sans doute été plus crédible si l’orateur n’était pas celui qui avait donné les clefs de la réforme du lycée à Richard Descoings et qu’il n’avait pas personnellement veillé à bouter la culture générale hors de la plupart des concours administratifs. De même comment le croire lorsqu’il s’est dit opposé à la suppression des notes alors que le député Grosperrin a fait de ce combat l’alpha et l’oméga de son action au secrétariat national UMP aux politiques éducatives ? Comme d’habitude, les discours sont joliment écrits lorsqu’on cause République, mérite, et travail mais l’expérience, elle, rend lucide quant aux actes sur le terrain.
Mais le candidat-président a aussi sa mesure-phare, celle qui doit décoiffer. Il s’agit de proposer aux professeurs du secondaire d’être présent huit heures de plus dans leur établissement afin de pouvoir, notamment, rencontrer davantage les élèves, leurs parents, en échange d’une augmentation de 25 % de leur traitement. On croit la mesure révolutionnaire. Elle est juste une resucée de ce que proposait Ségolène Royal en 2007, laquelle était d’ailleurs plus ambitieuse puisqu’elle proposait, sous les lazzis de ses amis socialistes, d’obliger les profs à être présents 35 heures. Le candidat Sarkozy ne se voile pas la face. Afin que l’enseignant puisse faire ce travail, il lui faut un bureau car, précise t-il, « tout ne peut se faire dans la classe ».
Près de 400 000 bureaux doivent donc être construits dans les collèges et lycées afin de permettre cette réforme. Nicolas Sarkozy ne précise évidemment pas que ce sera aux départements, en charge de la construction des collèges, et aux régions, en charge de la construction des lycées qui devront procéder à ces gros chantiers. Un collège de 500 élèves par exemple, devra compter une quarantaine de bureaux soit un petit bâtiment supplémentaire avec tout le mobilier et équipement informatique qui vont avec, sans compter les futures dépenses supplémentaires en terme de viabilisation (électricité, chauffage) et d’entretien (embauche de personnels pour le nettoyage et la maintenance).
C’est donc bien un vaste programme keynésien d’investissement public par le bâtiment qui a été annoncé à Montpellier. Les collectivités territoriales, qu’on jugera sans doute trop dépensières dans un prochain discours consacré à la réforme territoriale ou à la dette, en seront les pivots. Personnellement je ne suis pas philosophiquement opposé à ce genre de recettes économiques à base d’investissement public.
Mais vous croyez qu’Angela est au courant ?
Actualisation : Il semble que Berlin ait appelé dans la nuit, affolée. Entre deux parties de sudoku, Wolfgang Schaüble, aurait pris connaissance du grand programme rooseveltien de Nicolas Sarkozy et prévenu Angela Merkel laquelle, furibarde, n’aurait pas été très tendre avec le candidat de l’UMP. Du coup, ce matin, la porte-parole de la campagne Nathalie Kosciusko-Morizet a profité d’un tchat sur le site de campagne pour rectifier le tir : « Nicolas Sarkozy propose donc qu’on aménage des espaces de travail, pas forcément un bureau pour chacun, mais un espace organisé (un bureau partagé pour quelques enseignants ou un open space avec des box pour pouvoir recevoir). En tous cas un espace mieux organisé que les salles des profs actuelles. » Voilà qui, à défaut de rassurer Angela Merkel, amusera beaucoup ceux qui connaissent la configuration des nombreux établissements neufs ou restructurés depuis vingt-cinq ans par les collectivités locales.
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