Il est de bon ton, depuis dimanche soir, de dire que les socialistes ont réussi leur « primaire citoyenne ». Le problème, le seul petit problème, c’est qu’ils l’ont ratée. Oui, je sais, le vote a été important, le scrutin s’est bien déroulé, les candidat ne se sont pas écharpés. Mais de quoi s’agissait-il, au fond ? Le PS est de moins en moins, comme tous les partis, un parti de militants. C’est un parti d’élus. Son seul problème consiste, dans cet océan de conseillers généraux, de maires, de sénateurs, à faire émerger un chef national pour remporter l’élection présidentielle. Un chef. Depuis Jospin, le PS s’en cherche un. Depuis Jospin, le PS est orphelin. Et depuis Mitterrand, il a toujours perdu une élection.
Vous allez me dire, ils y sont presque. L’opposition, à 7 mois de la présidentielle, va se trouver un patron incontestable et incontesté. Le seul problème, c’est que c’est faux.
Passons sur Ségolène Royal. La politique est cruelle. Malheur aux vaincus. Il ne leur reste que des larmes.
Arrêtons-nous plutôt Martine Aubry. Après avoir conquis le PS dans des conditions justement contestables ou en tout cas contestées, la mairesse de Lille a réussi à faire tenir ensemble des courants que rien n’oppose sur le fond, mais que tout divis sur le plan des ambitions personnelles. Aujourd’hui, elle ne recueille pas un tiers des voix et ne s’en sort qu’en prônant la retraite à soixante ans, alors qu’elle sait très bien qu’elle n’aura pas les moyens de mettre en œuvre une telle politique. Elle peut gagner le second tour si Arnaud Montebourg la soutien. Mais ce dernier risque de la soutenir comme la corde soutient le pendu, faisant fuir l’électeur de centre gauche.
Et prenez François Hollande. François Hollande ! L’homme qui allait peut-être, en se présidentialisant, dominer le scrutin n’en sort qu’affaibli. Pour avoir cru qu’il pouvait l’emporter dès le premier tour, il émerge mollement du premier. L’art d’en dire le moins possible, qui fut le sien tout au long de la campagne jusqu’ici, n’est pas de ceux qui mobilisent le fameux « peuple de gauche ». Celui-ci veut non du silence, mais des mots. Et pas n’importe quels mots. Un premier tour n’est pas un motion de synthèse. Pour n’avoir pas cru en la parole, François Hollande en est réduit à se raccrocher aux chiffres, à l’arithmétique. 1 Hollande plus 1 Vals + 1 petit Baylet + ½ Montebourg + 1 pincée de Ségolène. Est-ce que tout cela, additionné, fait une victoire ? Rien n’est moins sûr, rien n’est moins fiable qu’un électeur qui a senti le champion vaciller.
Bref, quel que soit le résultat de dimanche prochain, le PS émergera tardivement de sa primaire avec un candidat, certes, mais un candidat mal élu, incapable de fédérer plus de la moitié de son camp de base. A ce stade, celui qui a emporté la primaire, c’est Nicolas Sarkozy.
(Pour lire Jean-Pierre Denis sur le site du magazine La Vie)
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