Dans la Provence du jeudi 25 août, pages 2-3, un long article présente la rentrée politique de Nicolas Sarkozy dans l’après-midi et la chaleur étouffante de Châteaurenard — ce qui a permis à son féal Estrosi de parader à ses côtés plusieurs heures durant. Et faisant la jonction entre les deux pages, une belle image de Sarko galopant sur un pur camarguais :
Allez, je vous la repasse en gros plan :
La photo remonte à la campagne de 2007 : on sort les mêmes (images) et on recommence — enfin, j’imagine que c’est ce que le candidat à la candidature imagine.
Je ne sais pas si l’ancien président de la République a des « conseillers-image », comme on dit. Au fond, j’en doute. Il a son propre réservoir d’images de références. Celle-ci, par exemple, qui correspond à son âge — et à celui de nombre de ses électeurs, ce n’est pas lui faire offense que de dire qu’un discours axé sur les retraites vise une certaine catégorie de population, celle qui avait entre 15 et 20 ans dans les années 1960 — et à ses goûts musicaux. Remember ?
C’était pour un film intitulé D’où viens-tu Johnny (1963). Un chef d’œuvre. L’Halliday national y chantait « Pour moi la vie va commencer »…
Ça, c’est en amont lointain. Mais il y a aussi les références plus récentes. D’autres présidents ont chevauché hardiment. Par exemple :
Mais surtout, il y a le grand chevaucheur — et torse nu, m’sieurs-dames :
Ce qui a quelque peu excité la verve des plaisantins, sauf qu’au fond, il exacerbe l’image testostéronée du tsar de toutes les Russies — un surhomme ! Comme dit Eddy Mitchell, « on veut des légendes » !
Sarkozy se rêve-t-il tsar ? Déjà, il se rêve à nouveau président — preuve qu’il n’a jamais mesuré la haine dont il est l’objet dans l’opinion — tout comme Hollande ne mesure pas le mépris qu’il suscite. On ne se relève pas du mépris — quant à la haine…
Dans les Mille et une nuits, à plusieurs reprises, le calife Haroun al Rachid se déguise « en marchand » et part à l’aventure dans Bagdad, à la nuit tombée, souvent escorté de son poète favori — un homosexuel notoire, au passage (mais ça, c’était l’islam avant). Et notre souverain demande innocemment aux clients des boîtes de nuit où il s’arrête ce qu’ils pensent du calife — et il en apprend des vertes et des pas mûres (rassurons-nous : les dysfonctionnements qu’on lui impute sont en général dus aux malversations du grand vizir, qu’il suffira d’empaler pour que l’ordre et l’harmonie règnent à nouveau).
Le problème, c’est que nos potentats modernes ne sortent plus dans le monde — ou strictement le leur. Ce n’est plus Haroun al Rachid, mais Haroun el Poussah :
Les uns et les autres devraient de temps en temps se déguiser et descendre au bistro du coin — un coin populaire pour changer. Pas au Fouquet’s. Qu’on leur dise la vérité — s’ils sont capables de l’entendre. Tout comme ils devraient visiter Marseille à huit heures du matin, et remonter la rue Longue-des-Capucins, à partir du marché du même nom.
Et laisser la place à des gens un peu neufs. Sous peine de finir comme un vulgaire vizir du IXème siècle à Bagdad — métaphoriquement, bien sûr.
Jean-Paul Brighelli, qui bien sûr ne se résume pas à :
C’était il y a longtemps — avant que mon ex-femme ne vende dans mon dos la bête pour une poignée de pesetas…
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