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Buisson, trop ardent ?


Buisson, trop ardent ?

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C’est devenu un sport très couru dans le monde politico-médiatique. Quand quelque chose ne va pas comme on le souhaite, quand on a fait soi-même une bêtise ou qu’il nous arrive un imprévu, il suffit de dire que c’est de la faute de Patrick Buisson. La gauche et une grande partie des médias lui reprochent la droitisation du discours Nicolas Sarkozy qui aurait entraîné la droitisation de la France tout court. À droite, François Baroin et NKM en tête, on lui reproche d’être responsable de la défaite de la droite à l’élection présidentielle. Buisson, en nostalgique de Maurras, aurait gouroutisé Nicolas Sarkozy et aurait précipité sa chute. Et cette semaine, c’est même dans l’entourage direct du nouvel Ex[1. L’ Ex (tout court), c’est Giscard, ad vitam.] qu’on trouve de courageux anonymes pour le traiter de fou. Si ça se trouve, Buisson est aussi responsable de la rouste prise par le FC Sochaux sur le terrain d’Evian-Thonon-Gaillard samedi soir, dans le pays de mon camarade Luc Rosenzweig ? Qui sait, après tout ?
Ouvrons une parenthèse. Patrick Buisson ce n’est pas tout à fait ma cup of tea. Non pas que je le considère comme le Diable en personne. Mais j’ai un véritable désaccord politique avec lui. Patrick Buisson considère que pour pallier les transferts de souveraineté acceptés par les élites françaises, il faut tenir aux Français un langage identitaire fort, d’une part, et que ceux-ci s’en contenteront, d’autre part. Je considère au contraire que ce discours  identitaire ne pallie pas cette perte de maîtrise du destin national et qu’une grosse partie des Français non seulement ne sont pas dupes de cette stratégie, mais que cela les rend d’autant plus furieux, car ayant le sentiment légitime d’être pris pour des imbéciles. In fine, ce que je reproche le plus à Patrick Buisson, qui moque souvent la gauche d’être méprisante avec le Peuple, c’est de l’être tout autant et sur les mêmes bases, ce qui est un comble.
Cette parenthèse refermée, examinons maintenant le dernier épisode. Nicolas Sarkozy aurait déjeuné avec le directeur de Valeurs actuelles, lequel aurait publié après coup un article fourmillant de citations que l’on qualifiera de « clivantes »  sur la guerre au Mali, sur les conséquences de la réforme du mariage et surtout, sur le devoir- plutôt que l’envie – qui pourrait le pousser à revenir dans le jeu politique.D’après le JDD, Buisson aurait tout fomenté, piégeant Nicolas Sarkozy en validant l’article et la Une du magazine conservateur, qu’il a dirigé autrefois. Et le pauvre Nicolas, d’après son entourage, aurait appris l’existence de ce papier en catastrophe mercredi matin, « tombant des nues ». Il avait juré ses grands dieux qu’il ne prendrait pas la parole avant les élections municipales, suivant ainsi, entre autres, les conseils d’Edouard Balladur. Et ce dingo de Buisson aurait tout mis par terre ! Qu’on me pardonne, mais c’est à hurler de rire. Qu’importe, après tout, si Kerdrel jure que Nicolas Sarkozy a bien validé le papier lui-même, ou si le premier cercle sarkozyste s’estime piégé. Pour une raison simple : le meilleur spécialiste du monde des médias politiques français, ce n’est pas Patrick Buisson. C’est Nicolas Sarkozy. Il connaît par coeur tous les journalistes français, leurs papiers, leur manière de fonctionner. Il n’y a pas meilleur que lui pour faire comprendre à son interlocuteur journaliste si ce qu’il lui raconte est destiné à être publié aujourd’hui, plus tard, ou jamais. S’agissant de la guerre au Mali, par exemple, nous n’avions pas attendu le papier de Valeurs actuelles pour lire que l’ex-président n’était pas favorable à cet engagement militaire. Le fait qu’il le répète à Kerdrel n’est pas innocent. De toute évidence, il souhaite prendre date et faire passer ce message d’autant plus fort qu’il est extrêmement dissonant dans le spectre politique français, Jean-Luc Mélenchon et Dominique de Villepin étant les seuls, avec lui, à critiquer l’action de François Hollande au Mali.
Certes, beaucoup des amis de Nicolas Sarkozy sont contrariés par ce retour en fanfare dans les médias, lequel peut effectivement apparaître prématuré. Mais ce n’est pas en accusant Patrick Buisson, ce nouveau diable de confort, qu’ils rendent service à leur champion. Mieux vaut laisser l’impression que Nicolas Sarkozy est fidèle à lui-même – et qu’il demeure pour toujours un  « homme pressé » – que de le faire passer pour un homme manipulé par un gourou, un homme « piégé », donc beaucoup plus vulnérable, un homme qui a perdu la main, puisque ne parvenant plus, comme au temps de sa gloire, à faire comprendre au premier journaliste de droite qui passe que ce qu’il lui dit ne doit pas être publié, ou en tout cas pas maintenant. Or, ses confidences au JDD le laissent croire dangereusement. Protégez moi de mes amis…

*Photo : Ammar Abd Rabbo.



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