Les hommes sont tous les mêmes. Depuis samedi, Willy me fait la gueule. Toute la semaine, je l’avais vu se réjouir à l’idée d’aller dimanche chez les Loewenberg manger des brocolis nature et des navets bio, arrosés d’un jus de betterave 100 % écolo, un simili-ersatz de château Petrus pour le Joshka Fischer de pacotille que j’ai à la maison. Samedi, j’ai dû appeler Frau Loewenberg pour lui dire que Willy se mourait dans son lit d’une angine blanche et que le Dr Reuter était à deux doigts de le faire hospitaliser dans la clinique de la Forêt Noire.
Willy n’était pas malade. Il me faisait juste la gueule. J’avais beau m’enquérir de son état, chaque fois il grommelait à mon visage quelques onomatopées distraites. Ceux qui ne connaissent pas l’Allemagne (ou qui la connaissent, mais ignorent tout de notre façon de parler dans le Bade-Wurtemberg) mésestiment certainement la puissance borborygmique du haut-allemand moyen.
J’ai donc décidé de quitter le domicile conjugal pour aller me réfugier chez Markus Pftizer, mon coiffeur (je conseille à toutes celles qui veulent quitter le domicile conjugal d’aller chez leur coiffeur plutôt que chez leur amant : aucun juge sensé ne pourrait retenir cela comme une charge en cas de divorce).
Le salon bruissait de mille rumeurs ; c’était une effervescence sans pareil. Les cliquetis des ciseaux et des peignes, le vrombissement des sèche-cheveux, le tintement des flacons de laque s’éteignaient derrière un caquètement permanent. Chacune y allait de son couplet : « Sarkozy sort avec Carla Bruni… On les a vus à Disneyland… Un coup dans le yacht fantôme, un autre dans la Montagne magique. Et vice-versa… La seule attraction qu’ils aient évitée, c’est la maison de Blanche Neige : ça faisait six de trop. »
Lorsque je suis rentrée à la maison, Willy se morfondait :
– Alors, lui ai-je dit, c’est Carla Bruni qui te met dans ces états ?
– Non !
– Alors qui ? Sarkozy ?
– Oui !
– Et pourquoi, Willy, Sarkozy te rend-il malade ? Il n’a pas décidé de reprendre les essais nucléaires français au fond du jardin quand même !
– Il a ce que tous les hommes veulent avoir : une femme sans voix.
Henri Guaino tient sa vengeance sur BHL.
Traduit de l’allemand par l’auteur.
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