Samedi dernier, l’exercice devait être simple : Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, prédateur politique reconnu, allait mettre les cathos de Sens Commun dans sa poche, sans se laisser imposer de position sur le mariage gay. « Vous croyez que je n’ai pas d’expérience ? » a-t-il lancé, sûr de lui, lors de sa prestation, à Madeleine Bazin de Jessey, cofondatrice du mouvement. Mais devant les grondements de la salle, Sarkozy s’est aperçu que ses tours de passe-passe, ses références à la « prière » (puisque donner des gages aux cathos, « ça ne coûte pas cher »), et ses atermoiements ne passaient pas. Son projet ambigu de « réécrire complètement la loi Taubira » s’attirant les foudres du public, il a cherché à leur faire avaler une plus grosse couleuvre : la dissociation du mariage « hétérosexuel » et du mariage homosexuel.
Cela revient à son serpent de mer de 2007, l’union civile, qu’il promettait équivalente, sauf dans le nom, au mariage. Dans l’esprit de Nicolas Sarkozy, il le dit en public et en privé, de manière pour une fois assez honnête, homosexualité et conjugalité homme-femme sont équivalentes. Il tient à ce que l’amour homosexuel soit reconnu socialement. Bref, rien de nouveau, si ce n’est que son public lui a arraché ce qu’il voulait entendre. « Ça ne sert à rien de dire qu’on est contre la GPA et la PMA si on n’abroge pas la loi Taubira ! »
À ce mot magique d’« abrogation », la foule du meeting de Sens Commun a obtenu symboliquement de faire participer Sarkozy à son projet. L’ancien président croyait s’en tirer à bon compte, rester au-dessus du débat. La discussion sur l’avenir du mariage gay est relancée. Des juristes sortent du bois, affirment que l’abrogation est techniquement possible. Le Conseil constitutionnel l’avait bien précisé, en avril 2013, que le mariage gay relevait non des droits fondamentaux, mais de la volonté du législateur. Les masques tombent : les ténors de l’UMP étrangers à Sens Commun et à la Manif Pour Tous, de Fillon à Estrosi, en passant par NKM et Morano (avocate de la GPA il y a quelques années) affirment justement qu’ils ne le veulent pas.
Le mariage gay peut être abrogé. De nombreux ténors de droite s’y refusent. Reste à voir si Sens Commun et sa base sympathisante parviendront à transformer l’essai de samedi, et à arracher des actes aprèsles paroles. Nicolas Sarkozy pensait s’échapper par une énième pirouette. Son discours farfelu lui vaut d’être enferré dans un engagement qu’il se refuse sans doute de tenir.
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