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Sarkozy, c’est pas Pétain


Sarkozy, c’est pas Pétain
Photo : Feuillu
Photo : Feuillu

Bon, bien sûr, lors de ce fameux déjeuner du 16 septembre à Bruxelles sur la question rom, quand il s’est mis en colère, Nicolas Sarkozy a déclaré « Je suis le chef de l’Etat français, je ne laisserai pas insulter mon pays. » On peut penser que De Gaulle ou Chirac auraient sans doute, d’instinct, plutôt dit « Je suis le président de la République Française, je ne laisserai pas insulter mon pays. » Mitterrand, c’est plus douteux car la jeunesse est lente à mourir et Giscard n’aurait pas haussé le ton de toute façon parce qu’il a toujours été trop poli pour ça. Mais assez de psychiatrisation n’est-ce pas ? Lacan, lui-même remarquait d’ailleurs que l’inconscient est structuré comme un langage et non le langage comme un inconscient.

Pas de Roms place Saint-Pierre

Bon, bien sûr l’instrumentalisation d’une communauté à des fins de politique intérieure a pu énerver les âmes sensibles comme Benoit XVI ou une commissaire européenne. Mais sincèrement, qu’est-ce qu’un Pape enfermé au Vatican peut connaître de la réalité du terrain ? Rappelons tout de même que Benoît XVI avait déjà parfaitement montré sa méconnaissance de l’économie de marché et de son merveilleux fonctionnement chaque jour attesté, dans son Encyclique de juin 2009 Caritas in Veritate : « L’accroissement systémique des inégalités entre les groupes sociaux à l’intérieur d’un même pays et entre les populations des différents pays, c’est-à-dire l’augmentation massive de la pauvreté au sens relatif, non seulement tend à saper la cohésion sociale et met ainsi en danger la démocratie ». On dirait du Jean-Luc Mélenchon, ce qui est tout de même un comble. En plus, sur la question rom, il n’est pas du tout certain que le Vatican ait prévu des aires de stationnement sur son territoire d’un demi kilomètre carré et, de toute manière, ce n’est pas le pape qui se farcit des roulottes pleines de rempailleurs de chaises place Saint-Pierre ou dans les jardins de Castel Gandolfo.

Bon, bien sûr, il y a eu cette circulaire maladroite qui visait nommément les Roms mais apparemment, c’est un lapsus scripti (pas de psychiatrisation, bon dieu !) d’un conseiller du ministre de l’Intérieur. Et puis d’abord personne ne l’a vraiment relue cette circulaire et Besson, lui-même, n’était même pas au courant, c’est dire. Ou alors ce conseiller était ivre, comme celui de Fillon qui a insulté la police. Ceci étant dit, politiquement, écrire une circulaire avec 2 grammes dans le sang est aussi dangereux que de conduire dans le même état.

Amalgame scandaleux

Tout cela pour dénoncer l’amalgame décidément scandaleux qui est fait entre la politique actuelle du gouvernement et celle de Vichy. Il n’y a absolument rien de commun entre les deux et l’on s’étonne que l’association des Amis du maréchal Pétain n’ait pas entamé un sit-in de protestation sur la tombe du grand homme à l’île d’Yeu.

Eux aussi devraient en avoir assez d’être instrumentalisés par une gauche qui n’a plus que cette comparaison à la bouche, cette gauche incapable de proposer un projet alternatif pour les retraites et à peine de mobiliser 3 millions de personnes à deux semaines d’intervalle[1. A propos de la mobilisation du 23, l’impayable Eric Woerth a inventé le concept de « décélération notable » pour qualifier une mobilisation équivalente à la précédente. La « décélération notable », j’ai comme l’impression qu’on va la voir arriver dans sa carrière politique lors du prochain remaniement.].

En effet, on rappellera ici que la devise de l’Etat Français était Travail, Famille, Patrie et comme je hais ces mensonges qui vous ont fait tant de mal, je vais vous montrer, simplement en prenant quelques exemples dans l’actualité récente que la politique sarkozyste ne peut pas être pétainiste puisqu’elle n’aime ni le travail, ni la famille, ni la patrie.

Pour le travail, il suffit d’ouvrir le journal (enfin les journaux qui ont encore des pages « Social » à côté des pages « Economie », ce qui devient aussi rare qu’un moins de 25 ans avec un emploi). On dirait que l’on s’achemine tout doucement vers la France des années 2030 telle que l’imagine Houellebecq à la fin de son dernier roman, La carte et le territoire. Une Arcadie peuplée de néo ruraux branchés et connectés au monde entier, vivant dans des villages de la Creuse ou du Loiret. La désindustrialisation est le stade ultime du sarkozysme et tenir la chronique des délocalisations, fermetures de sites, licenciements, chantages à l’emploi pour faire accepter des baisses de salaire (chez les Conti de Toulouse tout récemment) prendrait des proportions homériques comme dans l’Iliade au Chant II où sont recensés dans une liste interminable tous les navires grecs et ceux de leurs alliés.

La terre ne ment pas mais on ment à la terre

Et puis, on ne peut pas dire non plus que le gouvernement soit pétainiste en matière d’agriculture. Le slogan de Bruno Lemaire, ce n’est pas « La terre ne ment pas », mais plutôt « On ment à la terre ». Si vous voulez expérimenter ces temps-ci la profonde absurdité de l’économie de marché, faites producteur de lait comme métier. Non seulement vous ne pourrez pas en vivre mais en plus, à l’autre bout de la chaine, le consommateur ne pourra pas l’acheter tellement il devient cher.

La famille, maintenant : on rappellera que François Baroin avant de faire marche arrière, provisoirement, avait quand même imaginé de faire ses économies budgétaires en supprimant la possibilité donnée aux parents et à leurs enfants qui étudient, de cumuler l’aide personnalisée au logement et l’allègement fiscal. Quant à la fin la demi-part accordée aux foyers fiscaux ayant des enfants à charge, elle est toujours sur le tapis.
Et voilà qu’aujourd’hui, ce sont les derniers jeunes qui croient encore au mariage qui vont être fiscalement bolossés. En effet, les couples qui se marient remplissent, pour la même année fiscale, trois déclarations: deux individuelles et une commune. À partir de la déclaration de revenus 2011, pour l’impôt payé en 2012, les couples auront obligation de choisir entre deux déclarations individuelles ou une déclaration commune. Il paraît que c’est une niche fiscale, comme le bouclier du même nom, qui lui ne bouge pas. On voit bien que le sarkozysme n’est pas un familialisme puisqu’en fait, son citoyen idéal, c’est celui qui est plein de pognon et qui vit à la colle, comme on disait dans le monde d’avant.

Il nous reste la patrie. Ah ça, la patrie, on pourrait y croire, avec Sarkozy. Et pourtant, non.
Regardez comme on fait les cadors, là, à Bruxelles. Et que je te regarde Barroso droit dans les yeux, façon western italien. Et que je suis sur le point de déclarer la guerre à de grandes puissances comme le Luxembourg ou la Roumanie. Oui, mais en attendant, la patrie, elle aimerait peut-être bien un débat parlementaire qui n’a toujours pas eu lieu à propos de notre engagement en Afghanistan, sous commandement américain. Et si possible avant qu’on franchisse le cap des cinquante soldats tués dans une guerre qui fait gagner du terrain un peu plus chaque jour à l’ennemi qu’elle est censée combattre.

La patrie, oui, il serait effectivement prendre l’Otan d’en parler, monsieur le Président.



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