Lorsque vous ouvrez négligemment votre Journal du Dimanche en pages cultures, une petite interview vous rappelle la fausseté de l’époque. En pleine promo pour son énième tournée triomphale, Michel Sardou détonne : « Je suis évidemment favorable au mariage gay ». L’esthète appréciera l’usage de l’adverbe, lequel suggère moins l’évidence du mariage homosexuel que celle de son approbation : comment pourrait-on être contre ? Mais l’ancien chanteur de droite, soutien de Nicolas Sarkozy lors de l’avant-dernière présidentielle, bat désormais sa coulpe. Comme si pourfendre son image de « réactionnaire » patenté ne suffisait pas, Sardou précise ne « même pas (avoir) sa carte à l’UMP » et soutenir tout de go le mariage des prêtres, le féminisme nouvelle génération et l’antiracisme institutionnalisé. De quoi faire passer Benjamin Biolay pour un réac en culotte de peau !
Au passage, dans sa diatribe contre le discours anti-islamisation, l’auteur de Je suis pour n’a pas de mots assez durs contre les semeurs de discorde au sein de la société française, en tout cas, à l’encontre de nos politiques obsédés par les affaires de pains au chocolat. Histoire de se racheter une conduite, il cite même sa vieille chanson Musulmanes (1987) comme un hymne à la « civilisation arabo-musulmane », preuve que le Sardou d’antan était moins monocolore qu’il n’y paraît. Quelque huit ans avant ce refrain so multikulti, Sardou entonnait pourtant une rengaine nettement moins glamour au titre explicite : Ils ont le pétrole mais c’est tout (1979). Au lendemain de la révolution iranienne, force est de constater qu’il tâtonnait quelque peu niveau anthropologie civilisationnelle. Morceaux choisis : « Ils ont le pétrole/ Mais ils n’ont que ça/Ils ont les barils, on a les bidons/ Mais pour boire, où vont-ils ?/ Chez Dom Pérignon /On a des idées/ Un gaspy futé/ Un Martel à Poitiers/ Ils ont les dollars/ C’est très bien/ Nous, des têtes de lard/ De gaulois grognards/ Et chauvins./ Quand ton puits s’ra sec… plus d’jus dans l’citron/ Plus personne à La Mecque/ Viens à la maison/ On boira mon vin/ De bon cœur ». Voilà qui sent le gros apéro saucisson-pinard qui tache.
Aujourd’hui, si on les lui remettait devant les narines, l’artiste de soixante-cinq printemps jugerait sans doute ces paroles nauséabondes. Après tout, c’est son droit le plus strict que de changer d’avis (et de parolier !). Et les nostalgiques pourront toujours se consoler à l’écoute de son subversif sosie grolandais Michel Sardouille…
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !