Curieusement, c’est notre photo de une qui nous a dit l’histoire que nous voulions raconter. C’est que le djihadiste au physique avantageux qui poste lui-même ses images sur Twitter n’a pas grandi au cœur des montagnes afghanes, ni en Arabie saoudite : Abou Hussein al-Brittany est né dans la banlieue de Birmingham, qu’il a quittée en 2013 pour aller faire le coup de feu en Syrie. On le soupçonne aujourd’hui d’appartenir à une faction de l’État islamique (EI) surnommée « les Beatles » par les otages étrangers qu’elle est chargée de surveiller. Autrement dit, ce charmant garçon est peut-être un barbare, mais c’est notre barbare. Comme Merah, comme Nemmouche, il n’est pas un produit d’importation mais une fabrication locale, et, même, une spécialité dont l’Europe est désormais exportatrice. Les abominations perpétrées par les cinglés de l’EI ne nous concernent pas seulement parce qu’elles frappent des minorités chrétiennes, mais aussi parce que certains de nos compatriotes y participent et que d’autres les applaudissent. Et si les premiers constituent une infime minorité, on aimerait être sûrs que les rangs des seconds ne sont pas en train de grossir.
Gaza-Sarcelles-Mossoul : nul ne prétendra, bien sûr, que les trois situations évoquées ici sont identiques. Aussi détestables soient les méthodes et l’idéologie du Hamas, il n’est pas seulement un mouvement terroriste mais une force politique avec laquelle il faudra bien compter. Et aussi terrifiantes soient les agressions antijuives commises à Sarcelles et à Paris en marge des manifestations pro-Gaza, elles restent des actes isolés, qui suscitent une indignation unanime et une ferme réplique des autorités. Il n’empêche : à Gaza, comme à Paris et en Irak, on a vu flotter le drapeau de l’EI et entendu la même rhétorique haineuse contre les juifs et les infidèles. Tout cela, bien sûr, au nom de l’islam. On nous dit que cet islam-là n’est pas l’islam. Dont acte. Il faudrait cependant se demander pourquoi cet islam djihadiste, dans le verbe sinon dans les actes, exerce une telle séduction sur certains musulmans.
C’est donc en toute conscience que nous avons choisi ce titre en forme de raccourci, et même d’amalgame, comme ne manqueront pas de le dire nos habituels détracteurs. Bien sûr, une manif, même violente, à Paris, ce n’est pas du tout la même chose que le nettoyage ethnique mené en Irak ou le bal incessant des missiles et des roquettes à Gaza. Mais il faut une sacrée dose d’inconscience pour prétendre que tous ces événements n’ont rien à voir les uns avec les autres. Pour analyser, il faut comparer et même généraliser.
Pour autant, nous savons que certains amalgames obscurcissent la réflexion au lieu de l’éclairer. Mon voisin Mohammed qui pratique un islam pépère n’est pas plus coupable des crimes djihadistes que ma voisine Mme Cohen n’est responsable des frappes israéliennes ou de l’assassinat d’un jeune Palestinien par trois extrémistes juifs, dans les premiers jours du conflit. Sauf que ces trois meurtriers ont été non seulement arrêtés mais aussi dénoncés par l’ensemble de la nation. Alors, oui, parfois on aimerait que tous les Mohammed de France disent haut et fort que le pillage d’un magasin juif les révulse, sans avoir peur d’être dénoncés comme traîtres à l’islam – puisque ce n’est pas l’islam. Tout ce que nous demandons aux musulmans de France, c’est que leur détestation des Merah et Nemmouche soit à la hauteur du dégoût que nous éprouvons pour les lyncheurs juifs de Jérusalem-Est.
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