Accueil Édition Abonné «Et si on admettait tout simplement qu’on refuse l’islamisation de notre pays?»

«Et si on admettait tout simplement qu’on refuse l’islamisation de notre pays?»

Entretien avec Sarah Knafo (2/2)


«Et si on admettait tout simplement qu’on refuse l’islamisation de notre pays?»
Sarah Knafo © Hannah Assouline

La stratège et compagne d’Éric Zemmour entre en scène. Candidate à l’élection européenne, en troisième place sur la liste conduite par Marion Maréchal, cette patriote passée par l’ENA connaît ses dossiers. Immigration, islam, économie, elle est convaincue que les graves problèmes du pays appellent des solutions simples. Sur son rôle, souvent contesté, comme sur les frères ennemis, elle parle sans détour. Et refuse la fatalité.


Relire la première partie

Causeur. Toute l’histoire politique française montre que si on veut être élu, il faut savoir mentir.

Sarah Knafo. Et toute l’histoire politique montre où cela nous a conduits d’avoir voté pour des menteurs ! Je vous pose une autre question : à quoi sert de gagner les élections sans dire la vérité ? Vous pensez que la vérité n’est pas payante, que les Français préfèrent un mensonge rassurant à une vérité inquiétante. Je ne suis pas d’accord ! J’ai une haute estime du peuple français : les Français ne sont pas des aveugles, ni des défaitistes, ni des paresseux. Les politiciens misent sur leur résignation. Nous misons sur leur courage et leur clairvoyance. Reconquête prend le risque de la vérité. C’est un risque. Mais l’alternative, c’est là où nous sommes aujourd’hui.

Sauf que Marine Le Pen est arrivée au second tour. Et pour la prochaine, compte tenu de l’écart, ça n’est pas gagné…

Il reste trois ans et c’est énorme. Les vainqueurs proclamés trois ans avant n’ont jamais été élus. Chaban-Delmas, Rocard, Balladur, Jospin et Juppé. Ils étaient les candidats des médias et des sondages, ils ne sont même pas arrivés au second tour. Ils se disaient : « J’appartiens au système, mes cadres siègent au Palais Bourbon, mon équipe de gouvernement est prête. » Résultat, ils n’ont plus pris de risques, n’ont rien dit qui pouvait surprendre ou choquer. Les Français n’aiment pas ces ronronnements.

Sarah Knafo © Hannah Assouline

Donc, vous affirmez que Marine Le Pen ne sera jamais élue ?

Je n’ai pas de boule de cristal. Mais je connais l’histoire de la Ve République et je dis simplement que, quand on se croit déjà élu, on n’est plus dans la conquête, on ne bouge plus une oreille. Alors, on se dévitalise, et on cesse d’être un vote de contestation, notamment pour les classes populaires.

En somme, vous êtes plus populiste que Marine Le Pen ?

Nous n’appartenons pas au système. La question n’est pas qui est le plus populiste, mais qui est le plus réaliste.

Les ponts sont-ils complètement rompus entre Marine Le Pen et Éric Zemmour ? Et les jeunes continuent-ils à se croiser dans les fêtes, les dîners ?

Il n’y a pas de dispute personnelle. Nous disons aux électeurs : nous avons des différences, qui sont même en train de se creuser, nous pensons avoir les meilleures idées pour la France, nous les défendons, quitte parfois à critiquer nos concurrents. Et après nous ferons notre devoir de Français ! Soit, nous sommes au second tour, ce qui pourrait bien finir par se produire, et ils votent pour nous. Soit c’est un autre candidat de droite, et on votera pour lui. C’est simple et loyal, ça marie la différence et l’union. Pour avoir des alliés, il faut accepter d’avoir des rivaux.

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Parlons de l’Ukraine. Avant l’invasion du pays, beaucoup de vos sympathisants trouvaient des vertus à Poutine. Cette admiration pour l’homme fort est-elle toujours de mise ?

En géopolitique, nous n’avons qu’une seule boussole chez Reconquête : les intérêts français. Nous n’attendons notre salut d’aucun homme fort étranger, mais de nous-mêmes et de notre peuple. Ce conflit a montré que la paix sur le continent n’était pas éternelle, et il nous a fait prendre conscience de notre faiblesse militaire. Si nous voulons la paix en Europe, la France a un devoir de puissance. Il faut nous réarmer, nous réindustrialiser, augmenter les forces françaises.

Selon vous, faut-il empêcher la Russie de gagner ?

Les politiciens français vont infléchir le cours de la guerre ? J’ai été très frappée par la légèreté des paroles entendues ici et là, entre un Mélenchon qui pense qu’on va imposer la paix en criant « La paix ! » en meeting, et un Macron qui croit qu’il va faire plier Poutine en élevant un peu la voix et en postant quelques photos. Pendant qu’ils parlent, il y a eu 500 000 morts et blessés, civils et militaires, dans cette guerre. Donc oui, il faut qu’elle s’arrête et que le peuple ukrainien retrouve sa souveraineté. Quand on défend l’idée de patrie, je ne vois pas comment on peut ne pas être d’accord sur ce point. Je ne sais pas qui va « gagner la guerre », et je ne crois pas que nous ayons la main sur cette question. On parle d’une guerre, pas d’un match de foot.

Si vous étiez députée, auriez-vous voté le plan d’aide à l’Ukraine ?

Je dis oui à une aide matérielle et humanitaire à l’Ukraine. La limite à ne pas franchir est la mise en danger de notre nation. Force est de constater que ce plan d’aide n’a rien réglé. Alors, laissez-moi refuser de faire semblant d’avoir la solution miracle. La guerre n’est pas une bataille d’éléments de langage.

Mais sommes-nous ou pas concernés par cette guerre ?

Évidemment que cette guerre nous concerne : elle fait des morts sur le sol européen. Mais le danger existentiel pour la France est ailleurs. Nous avons des Français qui meurent chaque semaine sur notre sol à cause de la violence.

Pour la France, qu’est-ce qui vous permet de penser qu’il n’est pas trop tard ?

Nous sommes passés en très peu de temps du déni au fatalisme. Refusons les deux ! Je veux parler à tous ceux qui se disent « de toutes façons Reconquête c’est toujours la même chanson ! » ; à tous ceux qui se disent « ces gens-là portent les bons constats mais n’ont pas de solutions ». Je veux leur parler, et ça tombe bien, on a encore un peu de temps !

Prenons l’immigration, par exemple.

Nous avons 500 000 entrées légales chaque année. C’est bien plus que l’immigration clandestine ! Or, un migrant qui entre en France légalement, c’est un tampon apposé sur un bout de papier. Concrètement, cela signifie qu’un fonctionnaire, dans une préfecture, lui a donné l’autorisation. Eh bien, il suffit de décider d’arrêter. Les fonctionnaires respectent la loi, les circulaires et les directives.

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Il y a tous ceux qui entrent pour demander l’asile aussi.

Très simple : on ne les accueille plus sur le territoire français. On a des consulats, des ambassades, ils devront faire leur demande dans leur pays d’origine. C’est la méthode danoise. Elle a fait baisser de 50% en deux ans les demandes d’asile. Je suis une sociale-démocrate danoise !

Il faudrait importer la gauche danoise. Quoi qu’il en soit, l’islamisme n’est plus seulement importé, il est également autochtone.

Et si on admettait tout simplement qu’on refuse l’islamisation de notre pays ? Qu’on refuse les horaires séparés dans les piscines, les voiles dans l’espace public, l’entrisme islamique à l’école ? Les musulmans sont libres de vivre dans l’un des 57 pays musulmans du monde. Ils choisissent la France. La France est libre de leur dire qu’en France, on vit comme des Français.

Vous envoyez la police dans mille endroits en même temps pour faire enlever les voiles et les burqas ?

Ça s’appelle la loi. C’est drôle que vous partiez du principe qu’il y aurait mille endroits à la fois où les musulmans ne respecteront pas la loi… Ce que je dis, c’est que nous devons poser nos règles. Ceux qui violent la loi commettent un délit et payeront pour ce délit. Dans quel monde est-ce qu’on refuse de poser une règle sous prétexte que certains ne la respecteraient pas ? Vous imaginez, aucune règle fiscale parce qu’il existe des fraudeurs fiscaux et qu’ils sont durs à aller chercher ? On a posé les règles les plus strictes et parfois même les plus absurdes pour obliger les gens à porter des masques pendant le Covid. Soudain, quand il s’agit de défendre notre identité, cela paraît impossible ?

Et puis que faites-vous de Samara ?

Justement, ces mesures sont les seules qui peuvent l’aider. Quand l’État français interdira le voile, Samara subira beaucoup moins la pression des barbus pour se voiler. Elle pourra leur répondre qu’elle respecte la loi.

Marche pro-palestinienne à Londres, 9 octobre 2023. « Le 7 octobre fut un électro-choc pour toute l’Europe : beaucoup ont pris conscience de la guerre de civilisation en cours, qui se déroule non seulement en Orient, mais aussi dans nos rues… » © Wiktor Szymanowicz/Shutterstock/Sipa

Est-ce réalisable sans violence ?

Vous avez l’impression que nous n’avons pas de violence aujourd’hui ? Les solutions des autres, on les connaît : ne rien faire, ne rien changer. Elles me paraissent beaucoup plus dangereuses ! Plus on se rapproche de la guerre civile, plus on nous dit que c’est en l’empêchant qu’on va la déclencher. C’est un raisonnement parfaitement absurde. Nous sommes capables de rétablir l’ordre sans semer le chaos.

Mais Gabriel Attal dit qu’il faut combattre la charia dans les établissements scolaires, c’est un saut sémantique.

La communication de Gabriel Attal, c’est toujours la montagne qui accouche d’une souris. Quand elle accouche de quelque chose… Nous le savons grâce à nos « Parents vigilants » : rien n’a changé depuis qu’il a été ministre de l’Éducation nationale. Pas une virgule, pas une ligne. Les groupes de niveau ont été enterrés. Il voit que la charia s’invite à l’École, fort bien et après ? On offre des stages de poney aux jeunes et tout va s’arranger ?

Il ne suffirait pas de régler les problèmes d’immigration et de sécurité pour sauver la France. Il y a aussi un problème économique.

Vous avez cent fois raison. L’immigration est loin d’être notre seul problème. Chaque jour qui passe, nous nous endettons de 400 millions d’euros de plus. Pourtant, notre pays est le plus imposé du monde, et sans doute même de l’Histoire. L’État prélève chaque année 47 % de la richesse que nous produisons, c’est-à-dire qu’à partir du 16 de chaque mois, nous ne travaillons plus pour nous-mêmes, mais pour l’État. Il faut baisser massivement les dépenses publiques pour pouvoir baisser massivement les impôts. Je parle d’une révolution, pas de micro-baisses. Giscard disait qu’au-dessus de 40 %, nous serions en régime socialiste. Donc revenons déjà à 40 %. C’est la moyenne de l’OCDE. Aucun Français ne doit travailler 40 % de son temps pour financer des dépenses publiques toujours plus massives. C’est ça, le problème, c’est que le travail ne paye pas assez, que le « salaire brut » est la plus grande arnaque économique de tous les temps. J’ai une liste de mesures longues comme le bras qui visent à ce que la somme versée par les patrons aux salariés se retrouve dans la poche de ceux-ci.

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Alors comment faites-vous pour remettre les comptes publics à l’équilibre ?

Allons-y ! Je peux vous donner des dizaines d’exemples de dépenses à couper dès demain. Il suffit d’une seule loi ! Vous prenez n’importe quel ministère et vous l’épinglez ; c’était mon métier de faire ce travail ! Couper dans l’aide publique au développement, c’est 15 milliards d’euros par an. 150 millions d’euros d’aide au développement à la Chine, la deuxième économie du monde, qu’on aide à se développer ! C’est incompréhensible et indéfendable.  Il faut aussi et surtout avoir le courage de remettre en cause le périmètre de l’intervention publique, de ses fonctions, de ses priorités, et de ses besoins en personnel. Typiquement, il faut privatiser l’audiovisuel public. C’est 4 milliards d’euros par an. Nous avons des tonnes à couper, sans même retirer un gramme de service public. Je vous rappelle que le régalien pèse seulement 6 % dans les dépenses publiques. Le scandale du déficit se situe ailleurs.

Pour vous, « libéral » est un gros mot ?

Je ne parle pas de libéralisme, je parle de bon sens. Ce qui est sûr, c’est que je ne suis pas socialiste. On voit où nous a conduits l’économie de gauche : toujours plus de dépenses, de fonctionnaires, donc toujours plus d’impôts, et toujours moins de service public. Les classes populaires sont les premières concernées.

On a vu sur Instagram que vous écoutez du Aya Nakamura à la maison…

J’écoute de tout ! Je n’ai aucun snobisme. On peut écouter ça avec légèreté, sans conséquence et surtout sans considérer qu’Aya Nakamura représente la part la plus exigeante de nous-mêmes, c’est-à-dire la part que nous aimerions exposer au monde.

Y a-t-il des personnages de l’histoire auxquels vous vous identifiez ?

Richelieu ! À la fin de sa vie, son confesseur lui demande s’il pardonne à ses ennemis et Richelieu répond : « Je n’en ai jamais eu d’autres que ceux de l’État. » Je trouve cela magnifique ! Son Testament politique est un monument. Dans l’histoire plus récente, j’admire Marie-France Garaud, que j’ai eu la chance de connaître et de côtoyer. Quel cran, quelle liberté, quelle femme !

Elle a été candidate à la présidentielle. Y avez-vous déjà pensé ?

Je ne vais pas tout faire comme Marie-France Garaud !

Mai2024 – Causeur #123

Article extrait du Magazine Causeur




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Elisabeth Lévy est directrice de la rédaction de Causeur. Jean-Baptiste Roques est directeur adjoint de la rédaction.

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