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Algérie, l’heure des comptes

Entretien avec l'eurodéputée Sarah Knafo


Algérie, l’heure des comptes
Sarah Knafo © Hannah Assouline

Malgré la tentative d’intimidation du gouvernement algérien, Sarah Knafo a décidé de révéler combien coûtait à la France sa politique de repentance. Plus de soixante ans après l’indépendance, la députée européenne estime qu’il est temps de divorcer pour de bon.


Causeur. L’Algérie a déposé une plainte contre vous. Pourquoi ?

Sarah Knafo. J’étais l’invitée des « Grandes Gueules » pour un débat sur l’état catastrophique de nos finances publiques. Pendant l’émission, je pose une question simple : est-il normal de donner des millions d’euros à l’Algérie ou à la Chine, quand par ailleurs l’hôpital Georges-Pompidou fait un appel aux dons pour financer l’achat de scanners ? Sommes-nous Crésus pour dilapider ainsi notre argent auprès de puissances étrangères ? Les « Grandes Gueules » postent cet extrait sur les réseaux sociaux, et cela lance un débat sur l’aide publique au développement. Étonnamment, la Chine ne porte pas plainte contre moi, mais l’Algérie, si ! Ils en font l’ouverture de tous leurs journaux télévisés, et le chef de leur État, M. Tebboune, décide de faire de moi une cible en organisant une conférence de presse pour dire que j’avais menti. Si j’avais une mentalité de gauche, je vous dirais que par sa faute j’ai été « cyberharcelée » par des centaines d’Algériens haineux ! Même des Franco-Algériens m’insultent comme si j’avais accusé leur père d’être endetté auprès de moi… Malheureusement pour eux, la justice m’a donné raison et leur plainte a été classée sans suite.

Pourquoi le parquet a-t-il classé l’affaire ?

Cette plainte était grotesque et n’avait aucune chance d’aboutir. Si on voulait se moquer, on pourrait leur dire qu’avec tout l’argent qu’on leur donne, ils auraient quand même pu se payer un juriste ! J’ai dit la vérité en m’appuyant sur des données officielles et publiques. On a bel et bien donné 842 millions d’euros à l’Algérie de 2017 à 2022. Mais ils ont tellement honte de la vérité qu’ils ont porté plainte contre la vérité. Comme souvent, la vérité a gagné.

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Donc, cette opération de l’État algérien était à usage interne…

Oui, je pense. Admettre que l’Algérie a encore besoin de la France est inacceptable pour l’orgueil national. Je pense que le fond de l’affaire, c’est que ce pays nous déteste. Écoutez les paroles de leur hymne national : « Ô France ! Voici venu le jour où il te faut rendre des comptes. » Regardez comme leur chef d’État ne cesse d’insulter la France, de l’accuser de tous les maux, de nous faire porter le chapeau de leurs propres échecs. Bref, ils nous détestent tellement qu’ils ont honte de recevoir notre argent. Donc l’État algérien voulait discréditer l’information, mais il s’est pris les pieds dans le tapis.

Cependant, au-delà du cas algérien, l’aide au développement est un instrument d’influence.

Ce fut un instrument d’influence. À l’époque où l’on demandait qu’en contrepartie des aides, ce soient des entreprises françaises qui soient sélectionnées, quand on contrôlait réellement l’emploi de l’argent donné. Aujourd’hui, vous savez ce que l’on demande en contrepartie ? Que les États destinataires s’engagent à respecter le climat et l’égalité hommes/femmes. Si c’est ça l’influence, pour 15 milliards d’euros, je vous trouve quand vous voulez des projets à plus forte valeur ajoutée pour les Français.

N’empêche, 842 millions en cinq ans… 180 millions d’euros par an, on ne peut pas parler de dépendance…

Sur un quinquennat, on aura presque dépensé un milliard.  Pour vous, ça n’est rien du tout ? Cet argent, ce n’est pas celui d’Emmanuel Macron, c’est le vôtre ! On pourrait arrêter de prendre dans la poche des Français. Par ailleurs, j’ai promis que je ne me laisserais pas intimider par leurs méthodes et que j’établirais la facture de ce que l’Algérie nous coûte. C’est ce que je suis en train de faire. Croyez-moi, les 842 millions dont je parlais ne représentent pas grand-chose par rapport à ce que nous coûtent vraiment l’Algérie et les Algériens. Saviez-vous par exemple que dans nos prisons, la première des nationalités étrangères des détenus est la nationalité algérienne ? Et ce chiffre ne prend pas en compte les binationaux. Saviez-vous que l’Algérie est en tête des pays qui refusent le plus de laissez-passer consulaires ? D’après Gérald Darmanin, entre janvier et juillet 2021, 7 700 Algériens ont été frappés d’une OQTF. Seuls quatre ont été acceptés en Algérie. Quatre ! Saviez-vous par exemple que l’argent qu’on envoie à sa famille au bled est en partie défiscalisé ? Et je devrais aussi vous parler des ardoises laissées dans les hôpitaux… En fait, l’Algérie et la France ont divorcé en 1962, mais visiblement c’est la France qui a eu la garde des enfants. Et elle paye quand même une pension alimentaire !

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En attendant, il faut être deux pour danser le tango. La droite n’a pas fait beaucoup mieux que la gauche. Pourquoi ?

C’est la culpabilité qui les paralyse. Il ne faut plus baisser les yeux devant l’Algérie. Souvenez-vous de Gérald Darmanin, lui, le petit fils de harki qui est allé déposer une gerbe devant le monument aux « martyrs » du FLN : des « martyrs » qui ont assassiné des civils, violé des femmes, supplicié des enfants, qui n’avaient qu’un seul tort, être Français. Emmanuel Macron avait commis la même faute, devant le même monument, lors de son fameux voyage où il a déclaré que « la colonisation était un crime contre l’humanité », c’est-à-dire l’exact vocabulaire de repentance qu’on veut nous imposer.

Peut-on aujourd’hui en finir avec cette névrose et couper le cordon ?

On doit et on peut. Votre métaphore du cordon ombilical montre bien que nous traitons l’Algérie comme un enfant à qui on ne peut pas dire la vérité. Il faut enfin leur parler et agir avec eux comme avec des adultes : un adulte doit être prêt à entendre la vérité et se remettre des névroses du passé. On leur a laissé des richesses inestimables. On leur a offert des privilèges longtemps. On a assez payé pour les dédommager. C’est terminé. Maintenant, il est temps de divorcer pour de bon.

Novembre 2024 - Causeur #128

Article extrait du Magazine Causeur




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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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