
Le 4 avril, dans une HLM de Belleville, Sarah Halimi, une retraitée juive de 65 ans, a été torturée, puis défenestrée aux cris de « Allah Akbar » par Kobili Traoré, son voisin de 27 ans. La barbarie du crime été aggravée par des semaines de déni médiatique et politique, et par le refus d’évoquer l’hypothèse antisémite. Enquête.
« Tuer un juif en France n’a-t-il aucune importance ? » Cette question hante William Attal depuis presque deux mois. Depuis cette nuit tragique où sa grande sœur a été assassinée à son domicile par Kobili Traoré, son voisin de 27 ans. Sarah Halimi, 65 ans, était mère de trois enfants. Cette ex-directrice de crèche divorcée, décrite comme « discrète, gentille, serviable », vivait depuis plus de trente ans dans une HLM parisienne, au cœur de Belleville. Le 4 avril, elle a été battue, torturée, puis défenestrée du troisième étage aux cris de « Allah akbar ». Dans la courette intérieure du 26 de la rue de Vaucouleurs où son corps a été découvert sans vie, son frère scrute les fenêtres. « Forcément, tous les voisins l’ont entendue hurler, il aurait fallu seulement quelques secondes pour la sauver ! » répète le petit bonhomme, la voix brisée. La pelouse arborée sépare d’à peine une dizaine de mètres deux immeubles lépreux qui se font face. Dans cette petite cité, toutes les familles se connaissent. Malgré le regard inquisiteur de la concierge, William Attal, kippa dissimulée sous sa casquette, sonne aux portes. Pour la plupart celles-ci restent closes. Les voisins qui acceptent de lui ouvrir hésitent à parler. Certains bafouillent des condoléances gênées, d’autres avouent à demi-mot avoir peur. Beaucoup prétendent qu’ils n’étaient pas là la nuit du meurtre. Personne « n’a rien vu ni entendu ».
La loi du silence qui règne dans le quartier fait écho à l’indifférence médiatique et politique qui a longtemps entouré cet assassinat. Il aura fallu sept semaines, la colère de quelques juifs et une conférence de presse au cours de laquelle les avocats ont dénoncé « une chape de plomb », pour que les médias généralistes s’y intéressent. En pleine campagne présidentielle, ces derniers n’avaient d’yeux que pour la garde-robe de François Fillon quand ce n’était pas pour celle de Brigitte Macron. Au lendemain du crime, l’AFP, reprise par Le Parisien, évoquait « la chute » d’une femme juive, Claude Askolovitch parlait dans sa chronique de Slate, de « cette vieille dame assassinée qui panique la communauté juive ». Tandis que Marine Le Pen, seule politique à dénoncer ce crime, était encore donnée en tête au premier tour par les sondages, les représentants communautaires tentaient de minimiser l’affaire. Le Crif, qui s’est depuis porté partie civile, faisait alors la chasse aux fausses rumeurs. Il est vrai que le procureur de la République de Paris, François Molins, avait déclaré trois jours après le meurtre : « Rien ne permet de retenir le caractère antisémite et rien ne permet de l’exclure. » Il n’en reste pas moins que les faits, d’une violence
