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Sapés comme jamais !

La classe, c'est être chic dans sa manière de s'habiller.


Sapés comme jamais !
Après l’office à l’église de la Sainte-Trinité (1900), par Jean Béraud. DR

Les éditions Le Chat Rouge publient deux ouvrages (Du Monocle et Du Snobisme) qui redessinent les contours d’une certaine élégance à la française.


L’habit trop couvrant ou trop dévoilant est au cœur des polémiques estivales. Fait-il le moine ou le citoyen ? Mystère. Parmi le personnel politique fâché avec le vêtement par idéologie ou démagogie depuis Mai 1968, il est amusant de voir ressurgir des débats parlementaires autour de la cravate et du costume trois pièces. Du col Mao au haut-de-forme, la société se fissure sur l’autel de l’élégance et du déterminisme vestimentaire. On est catastrophé par l’ignorance crâne avec laquelle certains députés abordent ce sujet considéré à tort comme frivole, le consignant au rayon des falbalas victimaires, ne comprenant rien à son histoire, à sa poésie et à son magnétisme identitaire et refusant par là même, la nostalgie des mondes engloutis. Ces gens-là, incultes et réfractaires à toutes les formes de style, inaptes au beau et à l’étrange, ne peuvent saisir la richesse d’une garde-robe masculine au XIXᵉ siècle et ses centaines d’accessoires disparus. Ils n’ont ni le vocabulaire, ni l’état d’esprit pour se laisser pénétrer par d’autres imaginaires. L’habit est un monde dont ils ignorent tout. Ils en sont restés aux vieilles rengaines anti-bourgeoises contre l’apparat scélérat et l’argent-roi. Chez eux, l’imposture aristocratique se combat avec un trop-plein de sociologie dogmatique. C’est dire leur totale inefficacité sur l’instruction des masses laborieuses. Ils sont collectivistes par nature, donc insensibles aux variétés infinies de matière, de coupe, de raffinement ou encore d’enchevêtrement d’époques différentes. Une anodine cravate en soie les fait sortir de leurs gonds.

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Alors, ne leur parlez pas de l’usage du monocle en soirée, de l’art du pommeau d’argent ou d’ivoire dans la déambulation urbaine, à la nuit tombée ou des sous-entendus qu’inspire l’équivoque faux-col. Le chic serait-il devenu le nouvel opium du peuple ? Le dandysme n’est pas une maladie infantile, plutôt le moyen de résister à un système centralisateur et oppresseur. Ce langage révolutionnaire devrait pourtant séduire les agitateurs en tee-shirt informe. Pour réparer les outrages faits à l’élégance, il est urgent de lire Du Monocle écrit par Massimiliano Mocchia di Coggiola aux éditions Le Chat Rouge et de puiser dans son vestiaire enfoui sous l’édredon de grand-maman, les dernières traces d’une humanité tantôt apprêtée, tantôt désespérée mais ô combien lumineuse. Écoutons cet expert avancer quelques arguments : « L’élégance est le fruit d’un respect de la forme et de l’invention individuelle. Le style est le résultat d’un amalgame savant entre respect de la règle et fantaisie personnelle ». Nous touchons enfin là, au savoir livresque. « Peu importe que vous soyez un dandy ou un poète partisan du retour du melon ou du monocle » prévient l’auteur, cet ouvrage a d’abord un intérêt historique et il est surtout une jolie manière de s’affranchir des affres du quotidien. Massimiliano milite contre la routine vestimentaire et nous oblige à repenser le rapport parfois tourmenté que nous avons avec notre tenue, chaque matin. Je recommande de faire envoyer son essai à la représentation nationale. Par sa verve et son aspect illustré à la façon d’un objet de curiosité, il instruira les Assemblées. Ce jeune italien né en 1984 rouvre les placards de nos aïeux, à la hussarde, sa plume pamphlétaire et érudite est un très agréable compagnon de lecture, au cœur de l’été. Grâce à de multiples références littéraires, ce livre nous apprend l’usage des guêtres, du chapeau melon ou de l’indispensable frac. Massimiliano tacle notre époque souillonne avec jubilation et sans faire la morale. À vrai dire, il n’est pas tellement étonnant qu’un trentenaire se passionne pour la mode de nos ancêtres. Un mouvement de résistance, à la confluence du Vintage et de l’affirmation d’une belle allure, qu’il s’appelle Sartorial ou Ametora, Ivy League ou Selvedge mania irrigue les jeunes générations. Ils veulent comprendre la genèse des habits qu’ils portent. Ils sont incollables sur le poids de leurs jeans et l’origine des toiles. Pour compléter notre formation, les éditions Le Chat Rouge, sous l’impulsion de Gérald Duchemin, font paraître en même temps Du Snobisme, un recueil composite de Robert de Montesquiou (1855-1921) qui n’était pas avare en excentricités.

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Du Snobisme de Robert de Montesquiou – éditions le Chat Rouge



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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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