Alors que les Etats-Unis s’interrogent sur la politique publique à mener en matière d’assurance maladie, le New York Times s’est penché sur l’exemple du Massachusetts. Pour rappel, l’Etat de la baie a adopté dès 2006 une loi réformant profondément le système de santé en vigueur entre ses frontières. Cette révolution a marqué un tournant idéologique inédit dans l’histoire du pays de l’oncle Sam.
Traditionnellement, le système de couverture santé aux Etats-Unis fait la part belle aux organismes privés qui assurent seuls la protection sociale à des prix exorbitants. Cette facture réglée par les employeurs prive une grande partie des Américains d’une couverture efficiente, faute de travail, de ressources suffisantes, ou, triste ironie, d’un état de santé jugé trop instable.
Un examen rapide des chiffres de la longévité dans le monde depuis la Seconde guerre mondiale donne une idée des conséquences du système américain sur l’espérance de vie. Ainsi, les Américains nés avant 1950 vivaient en moyenne 68,6 ans, plus que les Français (67), les Espagnols (64.1) ou les Japonais (62.1). Mais les soixante dernières années ternissent ce beau bilan, les Américains n’ayant gagné qu’une décennie de vie, pendant que la plupart des pays occidentaux dépassaient la longévité des USA.
Las de ce constat, le Massachussetts oblige dès 2006 les assureurs à couvrir tout le monde, sans exclusion, et contraint ses citoyens à contracter une assurance maladie, si nécessaire avec le concours de l’Etat. Une protection libérale par consentement forcé, en quelque sorte, mis en avant par des exemples ultra-médiatiques à l’image de Charlie Henley, une patiente célèbre pour avoir fait partie des premiers bénéficiaires de cette mesure alors que son passé médical l’empêchait auparavant de contracter la moindre assurance.« Je ne serais sûrement plus de ce monde si j’avais été malade dans un autre Etat américain » tonnait-elle alors.
Connu pour ses positions avant-gardistes sur des sujets comme le mariage homosexuel ou la dépénalisation de la marijuana, le Massachussetts subit donc le regard scrutateur de l’opinion publique du reste du pays.
Les résultats qui apparaissent sous la loupe du New York Times s’appuient sur l’étude universitaire « Changes in Mortality After Massachusetts Health Care » publiée lundi. Ce document se penche sur le taux de mortalité –le nombre de morts pour 100 000 individus- entre 2001 et 2010, en déclin de 3% sur les quatre dernières années. Une baisse particulièrement tangible dans les régions de l’Etat où les plus pauvres anciennement non-assurés sont nombreux, alors que les plus aisés affichent un taux de mortalité stable.
Par ailleurs, les arguments qu’avancent les partisans des valeurs traditionnelles américaines, qui voudraient laisser agir sans la moindre régulation la main invisible, semblent balayés à l’épreuve des faits. Plus que l’amélioration de l’hygiène alimentaire ou la réduction du nombre de consommateurs de tabac, la réforme de l’assurance maladie engagée en 2006 a en effet accru l’espérance de vie au Massachussetts.
Une pierre dans le jardin des américains jaloux de leur liberté individuelle à l’excès, pour lesquels toute intrusion nationale dans l’économie porte la griffe de l’immonde bête socialiste. Fort de ces résultats, le président Obama, désavoué en 2009 au point de consentir à une réforme au rabais, pourrait espérer relancer son projet de premier mandat « Obama Care ». Un serpent de mer américain depuis Clinton. Ignorant ces éléments factuels, les défenseurs de la ligne traditionnelle du pays voient leur influence se réduire progressivement. Une trajectoire inversement proportionnelle à celle de la France, où l’obsession des économies a récemment suscité un rapport proposant de dérembourser les consultations avec plafonnement…
*Photo : www.CGPGrey.com.
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