Le romancier David di Nota publie J’ai exécuté un chien de l’enfer (Cherche Midi), un contre-rapport accablant sur l’assassinat de Samuel Paty survenu il y a un an. Une démonstration implacable.
Il paraît pour le moins étrange qu’un an après l’assassinat de Samuel Paty, aucun journaliste, aucun écrivain n’ait voulu retracer et examiner les circonstances d’un tel événement politique, sans précédent. Sans doute, faut-il un certain courage pour s’atteler à démonter les mécanismes qui conduisirent des idées jusqu’au couteau.
En ces temps de jihadisme d’atmosphère, pour ne pas dire déjà de jihadisme communautaire, le livre de David di Nota apporte un éclairage singulier sur l’aveuglement de la machinerie administrative, aveuglement sans lequel l’assassinat de Samuel Paty n’aurait pas été possible. Dans son enquête sur le déroulé des événements, il établit, en s’arrêtant sur chaque détail, la logique absurde qui aboutit en quelques jours à isoler un enseignant de la communauté humaine pour le faire « mourir seul ».
Malignité administrative
Comme Joseph K, le personnage du Procès, ce roman cauchemardesque de Kafka, Samuel Paty a été accusé sans qu’il pût savoir, au fond, de quoi. D’avoir dispensé un cours sur la liberté d’expression ? D’avoir commis, comme le référent laïcité dépêché par le rectorat le lui reproche, une « erreur » ? D’avoir « offensé » ses élèves ? Comment se justifier quand la malignité administrative, qui fait de l’enseignant un coupable en puissance, se conjugue avec la rumeur et la calomnie, dans un climat politique délétère de présomption d’islamophobie ?
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Comme Joseph K, Samuel Paty n’a pu identifier le visage de l’accusation avant sa mise à mort. Car celui-ci a pris tour à tour des traits composites. Ceux de la petite Z, son élève qui proféra des mensonges contre lui. Ceux de sa mère et de son père, venus se présenter comme des victimes d’un « malade » qui s’en prend au prophète des musulmans. Ceux de ses collègues qui ne l’accusèrent pas moins de « travailler contre la laïcité en lui donnant l’aspect de l’intolérance » et d’avoir « commis un acte de discrimination ». Ceux, par qui la procédure d’accusation se changea peu à peu en verdict : le visage sinistre d’un activiste islamiste, fiché pour « radicalisation à caractère terroriste ». C’est lui qui orchestra cette dénonciation multiforme du coupable. Tous ces visages, superposés les uns aux autres, qui n’en formèrent à la fin plus qu’un — hideux — celui du bourreau, David di Nota, les dessine un à un avec soin. Il nous montre ainsi le vrai visage de notre pays, ravagé par le discours victimaire et un antiracisme devenu fou. Ce visage que nous ne voulons pas voir.
La vérité dissimulée
En mettant à jour les faux-semblants d’une institution qui considère chaque enseignant comme un fautif potentiel et les idéologies de la domination qui divisent notre nation et alimentent la haine contre les représentants de notre culture et de notre république, il explique comment les islamistes construisent l’indignation, excitent la colère et désignent aux jihadistes, disséminés partout sur notre territoire, des cibles potentielles. Sa démonstration est implacable.
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Reste que le ministère de l’Éducation national continue de dissimuler sa responsabilité morale en prétendant avoir soutenu et protégé Samuel Paty, ce qui est faux. Au contraire, le référent laïcité a relayé le soupçon de la rumeur et les accusations d’islamophobie en prétendant que le professeur aurait mal maîtrisé le concept de laïcité et commis une « erreur ». Aucun syndicat n’a pris non plus sa défense, la FCPE invitant quant à elle la famille à déposer plainte contre l’enseignant. Et aucune protection policière n’a été donnée à l’enseignant alors qu’il était évidemment en danger. A l’heure de la commémoration de son assassinat, le devoir de mémoire devrait commencer par un devoir de vérité : « Le premier devoir que nous devons à Samuel Paty, a dit David di Nota lors d’un entretien sur Europe 1 avec Sonia Mabrouk, c’est la vérité ».