On peut faire dire tout et n’importe quoi aux statistiques. Ce manque de fiabilité s’explique par la manipulation, l’incompétence ou la négligence de leurs auteurs et de ceux qui les interprètent. Dans un essai irrévérencieux et argumenté, Sami Biasoni prouve qu’on peut leur faire dire la vérité.
Sondages d’intentions de vote, courbe du Covid, taux d’endettement public… Les statistiques sont partout dans l’actualité. Mais sont-elles fiables ? Et, surtout, sont-elles convenablement employées par ceux qui les invoquent ? Docteur en philosophie des sciences de l’École normale supérieure et professeur chargé de cours à l’Essec, Sami Biasoni n’en est pas si sûr. Après avoir épluché des milliers de pages d’études et rapports en tous genres, refait les calculs, lu les notes de bas de page, il montre que, soit par malignité, soit par incompétence, soit par négligence, les médias et les politiques ne sont pas à la hauteur de la science statistique dont ils se réclament à longueur de temps. Et propose quelques pistes pour sortir de l’amateurisme ambiant.
Causeur. Commençons par une mise au point. Dans votre livre, vous critiquez ceux qui font profession d’interpréter les statistiques et qui sévissent dans les journaux, les ministères ou les partis. Cependant vous n’allez pas jusqu’à dire que les données elles-mêmes, sur lesquelles ils s’appuient, seraient truquées. En êtes-vous bien certain ?
Sami Biasoni. Il existe bien sûr, comme dans toute activité humaine, des cas de fraude statistique. Toutefois, il ne faut pas exagérer, nous ne sommes pas en Union soviétique. En France, les organismes de référence comme l’Insee et l’INED, mais aussi les grands instituts de sondage privés, sont des établissements respectables, où la majorité des chercheurs travaillent consciencieusement.
La collecte des données statistiques est donc irréprochable dans notre pays ?
Non, elle pèche notamment par manque de transparence. Pour les besoins de mon livre, j’ai étudié un certain nombre de statistiques ayant fait la une de l’actualité ces dernières années, et je me suis plusieurs fois retrouvé face à des raisonnements qui me semblaient
