Cette année, exceptionnellement, les Suédois ne passeront vraisemblablement pas leurs vacances d’été en Irak… Le projet de profanation du livre sacré des musulmans, par le réfugié Salwan Momika, a tendu les relations entre Stockholm et Bagdad. En Irak, le chef chiite Moqtada al-Sadr tente de profiter politiquement de l’émoi suscité chez les croyants. Portrait de M. Momika, un Irakien à contre-Coran!
La pluie aura peut-être eu raison de la volonté de Salwan Momika de brûler un exemplaire du Coran et un drapeau de son pays d’origine, le 20 juillet, près de l’ambassade d’Irak à Stockholm. Le réfugié irakien s’est tout de même autorisé à jongler du pied avec le livre sacré des musulmans et à le piétiner, affirmant ne pas avoir de problème avec les livres saints des chrétiens et des juifs. Une première profanation publique du Coran par M. Momika, le 28 juin, avait déjà suscité des réactions en Suède et à travers le monde musulman, mais aussi la réprobation du président israélien Isaac Herzog ou du Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk. Le pape François avait déclaré être « en colère » et « dégoûté » par la décision de justice autorisant l’autodafé, et le Conseil chrétien suédois avait exprimé sa sympathie aux musulmans. L’Irakien de 37 ans avait ce jour-là mis du bacon entre les pages du livre qu’il avait partiellement brûlé devant la plus importante mosquée de la capitale suédoise, à l’occasion de l’Aïd-el-Kébir qui avait débuté la veille au soir.
Politiquement actif en Irak, soupçonné de menaces avec couteau en Suède
Il est intéressant de retracer le parcours de M. Momika. Sur la couverture de sa page Facebook, on le voit assis à côté d’un drapeau araméen qui cache partiellement l’étendard irakien et qui témoigne de son appartenance à une communauté chrétienne. Hormis les convertis, les chrétiens d’Irak sont issus des communautés araméennes qui peuplaient l’ancienne Mésopotamie avant la conquête arabe au VIIème siècle. La chaîne de télévision publique SVT indique que ses voisins ne le voient que peu, tandis qu’Expressen souligne qu’il a obtenu un permis de séjour pour trois ans en 2021 et qu’il était politiquement actif en Irak. Le tabloïd suédois affirme que peu après avoir obtenu l’asile, M. Momika a été condamné à 80 heures de travaux d’intérêt général pour avoir menacé avec un couteau son colocataire.
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Selon Expressen toujours, M. Momika est identifié comme ayant fait partie de la milice al-Hachd al-Chaabi qui a combattu l’État islamique. Il s’agit d’une coalition d’une soixantaine de milices essentiellement chiites, mais aussi chrétiennes et yézidies. Une affirmation que conteste cependant le réfugié qui déclare être l’ancien chef d’un mouvement qu’il présente comme le Parti démocratique syriaque en Irak et dont il dit qu’il avait ses propres forces armées. Expressen ajoute que M. Momika a affirmé à ses reporters qu’il a soutenu la tentative du chef chiite Moqtada al-Sadr de renverser le gouvernement irakien, en octobre 2019. Aujourd’hui, ce dernier se sert des profanations du réfugié pour faire pression sur les autorités irakiennes qu’il accuse plus ou moins implicitement de faiblesse. Ses partisans ont incendié l’ambassade de Suède à Bagdad dans la nuit du 19 au 20 juillet, sans ignorer que les autorités devraient intervenir pour éteindre le feu.
La volonté de dénoncer l’intolérance religieuse depuis un pays libéral
Les provocations de M. Momika ont suscité la colère de la communauté islamique en Suède qui a réagi de différentes façons, selon le quotidien Aftonbladet. Ainsi, le 28 juin, un musulman a distribué des chocolats en affirmant vouloir dénoncer de cette manière les actes de l’Irakien, tandis qu’un autre a tenté de lancer des pierres sur l’auteur du sacrilège. Le traitant de “terroriste”, des musulmans l’ont insulté et lui ont crié : « Aboie, aboie, personne ne t’entend ! » Une possible allusion à l’impureté du chien pour la plupart des musulmans.
M. Momika avait initialement prévu de brûler un Coran à Stockholm dès février, mais il s’était heurté à l’interdiction de la police qui avait invoqué des risques de troubles à l’ordre public. Il a depuis obtenu gain de cause devant la justice administrative, deux semaines environ avant sa première profanation médiatisée. L’homme déclare que son but est de voir le Coran interdit en Suède.
La loi suédoise n’interdit aucun livre religieux, pas plus qu’elle ne pénalise la profanation de textes sacrés. Une position insatisfaisante pour M. Momika qui a déclaré à Expressen : « Mon problème aujourd’hui, ce ne sont pas les livres des juifs, des chrétiens ou d’autres personnes. Mon problème, c’est le livre qui encourage la violence et le meurtre – c’est le Coran. » Le réfugié irakien entend dénoncer l’emprise de la charia sur la société irakienne et dans les autres pays musulmans. En avril 2013, le Pew Resarch Center a publié une étude sur la perception de la charia dans le monde musulman qui révélait, par exemple, que 42% des Irakiens officiellement musulmans se prononçaient en faveur de la peine de mort pour les apostats de l’islam. Il est difficile de savoir combien de sondés officiellement musulmans, mais secrètement athées, agnostiques voire chrétiens ont répondu au sondage, alors que l’apostasie ne cesse de croître dans le pays selon un article de 2019 publié par le journal panarabe de Londres, The Arab Weekly, et intitulé “La communauté en croissance des athées en Irak n’est plus marginale”.
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Bien que la Constitution irakienne énonce la liberté religieuse, la réalité est quelque peu différente. En 2018, la police a arrêté un homme, Ihsan Moussa, et la Direction du renseignement a indiqué qu’il lui était reproché de tenter de « promouvoir et répandre l’athéisme ». Les entourages familiaux ne sont pas en reste quant à la persécution des apostats de l’islam, comme dans le cas de la féministe Worood Zuhair, aujourd’hui résidente en Allemagne, blessée notamment à la colonne vertébrale sous les coups de son père et ses frères.
Les autodafés du Coran ne sont pas inédits en Scandinavie. Depuis 2019, le politicien dano-suédois Rasmus Paluda en brûle des exemplaires, suscitant des protestations parfois très violentes comme en avril 2022 durant lesquelles une quarantaine de personnes furent blessées dans plusieurs villes suédoises. Selon le chef de la police nationale, Anders Thornberg, des individus tentèrent même de tuer des membres des forces de l’ordre au cours de ces émeutes.
Quel futur pour M. Momika?
« J’envisage de me présenter au Parlement suédois avec le parti des Démocrates de Suède [droite radicale NDLR] à l’avenir, et d’inviter tous les Suédois à rejoindre ce parti s’ils veulent préserver les lois et les valeurs suédoises » vient finalement de déclarer Salwan Momika à Aftonbladet. L’agit-prop du réfugié irakien, autorisée par la justice suédoise et la police, embarrasse évidemment les autorités du pays : la Turquie a condamné les actions du militant alors que la Suède a besoin du soutien de Recep Tayyip Erdogan pour adhérer à l’OTAN…
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