Plébiscité par les électeurs, la Lega de Salvini paie (cher) les malversations passées de son fondateur. Les juges de Gênes auront-ils sa peau avec l’amende record de 49 millions d’euros infligée au parti anti-immigration ? Comme le démontre le précédent Berlusconi, les pires ennuis juridiques ne sont pas forcément synonymes de mort politique. Tant s’en faut.
Caracolant en haut des cimes de la popularité, avec 34% d’intentions de vote dans les derniers sondages, la Lega du ministre de l’Intérieur italien Matteo Salvini risque de mettre la clé sous la porte. La raison de ce paradoxe ? La Cour d’appel de Gênes vient de confirmer la décision du parquet condamnant l’ex-mouvement autonomiste à payer 49 millions d’euros d’amende par tous les moyens, y compris la saisie de tous ses biens. Ce qui correspond au remboursement du montant des aides publiques reçues par le parti pendant la période en cause. Payant au prix fort les détournements de fond de ses anciens dirigeants, Umberto Bossi et Francesco Belsito, l’allié transalpin du Rassemblement national joue sa survie : après une première saisie de 3 millions d’euros, il n’y aurait que 5 millions d’euros actuellement dans ses caisses.
Salvini dans la lignée de Berlusconi
D’ores et déjà, les cadres et militants léghistes crient au coup d’Etat des juges. S’il est juridiquement établi que le fondateur de la Ligue, Bossi, a détourné 200 000 euros entre 2008 et 2010, certains jugent disproportionné et injuste de sanctionner le parti nouvelle mouture, en rupture avec ses positions et agissements passés. Toutes proportions gardées, l’affaire rappelle l’opération « mains propres » (mani pulite) qui, au début des années 1990, avait vu la magistrature liquider la quasi-totalité du paysage politique italien alors dominé par la démocratie chrétienne. L’événement avait entraîné la naissance d’une Seconde République et permis le futur sacre de Berlusconi, arrivé au gouvernement en 1994 allié aux anciens rebuts du système (le post-fasciste Fini et un certain… Umberto Bossi).
D’ailleurs, Matteo Salvini joue aujourd’hui sur la même fibre anti-juges que Berlusconi, sur un registre qui parle à de nombreux Italiens ulcérés par l’arrogance des élites politiques, administratives et culturelles qui, depuis l’unification italienne, ne cessent de vouloir corriger le peuple prétendument arriéré (cf. l’excellent essai de l’universitaire Giovanni Orsina sur le sujet, en lien sous cet article).
La Lega meurt, vive la Lega ?
Bien malin celui qui peut prévoir les conséquences politiques de cette affaire : si le numéro deux de la Ligue avait annoncé « la fermeture du parti » en cas de condamnation, qui sait comment Salvini pourrait se sortir de l’ornière. Souscription populaire ? Création d’un nouveau mouvement ? L’avenir nous le dira. Occupé à incarner le grand méchant loup aux yeux des élites européennes antiracistes, Salvini a été adoubé par Macron comme son premier opposant sur le continent. De quoi le conforter en vue des prochaines élections, qui dans la botte ne sont jamais loin. Plutôt que de poursuivre son attelage boiteux avec le Mouvement 5 étoiles, dont le chef Di Maio est affaibli, Salvini devrait selon toute vraisemblance renouer avec ses alliés de droite Forza Italia (Berlusconi) et Fratelli d’Italia (la petite formation post-fasciste héritière du MSI). Entre 1994 et 2011, cette coalition de centre-droit avait gouverné dix ans durant la péninsule. Quand on vous dit que l’histoire bégaie…
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