Si la plupart des cadors du CAC 40 semblent rester totalement insensibles aux exhortations d’Arnaud Montebourg (il faut dire que celles-ci, de PSA à Arcelor, sont souvent à géométrie variable, voire réversible), il faut néanmoins acter que le ministre du machintrucchouette productif ne s’époumone pas totalement en vain quand il promeut le made in France (Message personnel : on voit bien qu’il n’a jamais eu de téléphone Alcatel).
Certes, nos amis les industriels semblent s’en battre les castagnettes, mais la vox monteburgi semble rencontrer un certain écho chez les industrieux. C’est ainsi qu’à l’occasion du grand déballage annuel de la Saint-Valentin (une néo-tradition française qui semble, hélas, moins pressée de crever jeune que feu Halloween) on a pu découvrir une pépite au milieu des caleçons à imprimé « Serial lover », des bouchées surgelées au saumon en forme de lèvres pulpeuses (chez Picard, pour ceux que ça tente), des gaines magiques vantées par le télé-achat « à l’occasion de la fête des amoureux » et autres offres para-érotiques convenues : les produits made in France d’un menuisier pas comme les autres.
À Basse-sur-le-Rupt, au fin fond des Vosges (qui sont déjà au fin fond de la France, laquelle est bien barrée pour se situer bientôt au fin fond du monde), Thierry Germain, fabrique en effet des sextoys en bois (garantis sans échardes, hein), qu’il exporte dans le monde entier, nous assurent en chœur toutes les gazettes qui savent recopier une dépêche AFP.
Faut-il s’étonner de ce miracle forestier ? M’est avis que non. Il était bien naturel que cette démarche rencontrât du succès, le business plan de Thierry ayant permis l’accouplement de deux tendances lourdes chères aux consommateurs concernés : grâce à ses produits, le made in chez nous s’accorde à l’écologie, bingo !
Un bémol, toutefois, ou disons une écharde dans le pied de cette success story : pour ses joujoux, notre artisan futé utilise surtout des bois exotiques, avec une prédilection pour les essences d’ipé ou de garapa en provenance du Brésil . Or non seulement l’exploitation de ces espèces est régulièrement dénoncée par les écolos amazoniens, mais en plus, notre menuisier ignore une des règles d’or du vrai chic éthique : le localisme. Or, lors de ma dernière visite, il m’a semblé que ce n’étaient pas les arbres qui manquaient du côté de Saint-Dié ou de Gérardmer.
Pourquoi diable importer des feuillus brésiliens alors qu’on a sous la main des millions de résineux vosgiens ? Et pourquoi fêter la Saint-Valentin en faisant appel à des circuits commerciaux complexes, alors qu’il est si simple d’utiliser sa sapine ?
*Photo : Smaku.
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