Terreur de la mi-février, la Saint Valentin est une épreuve de fond. Une journée sans fin. Même les couples les plus solides n’y résistent pas. L’atmosphère s’électrise. Les mots volent bas. Les aigreurs remontent à la surface. L’amour fait le dos rond durant 24 heures. C’est un mauvais moment à passer. Dans ce tourbillon de bons sentiments, le 14 février s’apparente à un piège en haute mer. Car, quoi que vous fassiez ou surtout ne fassiez pas, vous êtes dans la nasse. Vous aurez toujours tort, il y a des jours comme ça. Nier l’existence de cette manifestation commerciale, moquer ce rituel pathétique de l’offrande chocolatée ou fleurie et vous passerez pour un affreux goujat, un pauvre type sans cœur doublé d’un radin. `
À l’opposé, vous vautrer dans un excès de romantisme dégoulinant et on raillera à coup sûr votre manque de recul, votre incurable naïveté, votre affreux suivisme. Votre marge de manœuvre est donc excessivement mince. Aux couples, nous conseillons de jouer la sécurité. Discrétion et démagogie sont les deux mamelles des unions stables. Elles ont fait leurs preuves à travers le temps. La paix des ménages exige d’innombrables compromissions, n’en déplaise aux tenants de la transparence et du déballage sur la place publique. Comme l’écrivait Chardonne dans Les Destinées sentimentales : « L’amour exige certaines préparations… une retenue…des réserves…une rêverie préalable, comme une religion qui a été très tôt déposée dans le cœur ». L’époque n’est malheureusement plus à la grande littérature. Plus personne ne commande de fine champagne au restaurant et La Frette n’évoque plus aucune géographie intime (à lire cependant : le Chardonne d’Alexandre Le Dinh – Collection « Qui suis-je ? », Pardès). Le consommateur moyen n’a que faire de l’aide d’un styliste réprouvé. Il a besoin d’un vulgaire vademecum. Un kit de survie du 14 février à l’usage de l’homme marié ou du célibataire avide de rencontres. Voici donc quelques éléments de langage qui vous permettront d’accéder au week-end sans trop d’encombres. Causeur, bon prince et toujours attentif à la quiétude des foyers français, se charge de vous accompagner. L’improvisation n’étant jamais récompensée à sa juste valeur, Messieurs, nous vous indiquons ci-dessous quelques maximes ou sentences susceptibles de faire baisser la tension. Elles sont toutes tirées du cinéma d’après-guerre. Faites confiance aux dialoguistes, ils ont eu le temps de peaufiner d’implacables répliques.
C’est imparable… en théorie ! Armé de ce lexique amoureux, vous devriez arrondir les angles et éviter tous les reproches. Avant de passer à l’attaque, entraînez-vous à placer votre voix et à trouver le bon rythme. Dans la bouche de Maurice Ronet ou de Jean-Louis Trintignant, ces phrases claquent, subjuguent, emportent l’adhésion. Votre moitié est déjà sous le charme. Dans la vôtre, nous ne vous garantissons pas un résultat à 100 %. Afin de couvrir toutes les sensibilités, choisissez bien votre formule dans nos différents registres. N’optez pas pour la manière boulevardière d’un Jean-Pierre Marielle ou sentimentale d’un Philippe Noiret sans avoir, au préalable, bien sondé votre dulcinée. Gare aux quiproquos ! Sinon bonne Saint Valentin, courage !
Phrases de survie :
Nostalgie clermontoise
« Il n’y a pas vingt-quatre heures que nous sommes ensemble et encore avec interruption et moi, il me semble que je vous connais depuis une éternité, pas vous ? » Jean-Louis Trintignant/ Ma nuit chez Maud.
Chabada cannois
« Tu sais que c’est joli une femme qui parle et qui parle bien » Lino Ventura/La Bonne Année.
Direct du gauche
« Pourquoi tu mets jamais de soutien-gorge ? » Jean-Paul Belmondo/À bout de souffle.
Boulevardière
« J’ai deux passions dans la vie : la sexualité de groupe comme dirait le Nouvel Observateur et les maisons normandes » Jean-Pierre Marielle/Sex Shop.
Défensive
« J’suis pas un dragueur, j’ai horreur des dragueurs, je trouve ça lamentable» Charles Denner/L’homme qui aimait les femmes.
Offensive
«Je les attaquais toujours avec la même phrase : il y a deux femmes en vous ! Ça tombait toujours juste » Maurice Ronet/ Les Femmes.
Mensongère
« Pourquoi tu m’aimes ? – Parce que tu es vieille et laide » Michel Piccoli/Les Choses de la vie.
Animale
« Avec les filles, je suis un vrai fox-terrier » Vittorio Gassman/Le Fanfaron.
Maritale
« T’es une épouse modèle. Mais si, t’as que des qualités et physiquement t’es restée comme je pouvais l’espérer, c’est le bonheur rangé dans une armoire et tu vois même si c’était à refaire et ben je crois que je t’épouserais de nouveau mais tu m’emmerdes, tu m’emmerdes gentiment, affectueusement, avec amour, mais tu m’em-mer-des » Jean Gabin/Un singe en hiver.
Vitale
« Vous savez les nouvelles sont mauvaises, je crois vraiment qu’on va avoir la guerre, vous voulez m’épouser ? » Philippe Noiret/Le Vieux fusil.
Vieille France
« Je suis obligé de constater Madame que votre éclat rendrait jaloux le soleil lui-même. Et puis hier soir, un certain sourire, m’avait laissé du regret et je dois le dire les choses inachevées… » Paul Meurisse/ L’Œil du monocle.
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