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Saint-Denis: scènes de la vie (barbare) ordinaire


Saint-Denis: scènes de la vie (barbare) ordinaire
Lycée Suger, Siant-Denis. Photo: wikipedia.
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Lycée Suger, Siant-Denis. Photo: wikipedia.

« Échauffourées » selon Le Parisien, « incidents » pour Libération, une présidente de région qui s’apprête à « porter plainte », « seuil symbolique » franchi d’après Le Monde, une ministre de l’Éducation Nationale et un premier ministre indiquant que le gouvernement fera preuve de « la plus grande fermeté », des dégâts évalués à plus de 70 000 euros, 54 « jeunes » mis en garde à vue dont une quarantaine de lycéens mineurs… Scènes de la vie ordinaire en République française.

Un tir de mortier en guise de récréation

Lycée Suger. Saint-Denis, 93. Mardi 7 mars 2017. Un tir de mortier éclate. Le lycée polyvalent accueille 1300 élèves. Des incendies démarrent dans les toilettes, de l’essence est déversée dans un escalier, des « jeunes » attaquent le lycée. Tirs de fumigènes et de cocktails Molotov. Évacuation. Bataille rangée entre « jeunes » et policiers. Projectiles et barres de fer contre Flash-Ball et gaz lacrymo. Une centaine de « jeunes » prend la direction du centre-ville de Saint-Denis. Cette nuée hostile détruit le mobilier urbain, agresse des policiers et s’attaque aux autres lycées de la commune du 93. Le « 9-3 ». Devenue habituelle, l’expression indique bien que ce département est hors de la République. N’est-ce pas là que l’on rencontre des bars interdits aux femmes ou que des terroristes en fuite viennent se cacher ? Une flambée de violences, un début d’émeute. Des élèves ont peur, d’autres sont « euphoriques » disent les enseignants. Pour certains « jeunes » lycéens de 15 à 19 ans, c’est la fête. Beaucoup se contentent de filmer et de diffuser sur les réseaux sociaux. On accuse la police de violences. Sur Youtube. Ces « jeunes » sont des victimes affirme une mère.

Les institutions de la République sans cesse visées

Une mère en colère ne comprend pas pourquoi son fils a été « ramassé » par la police et emmené au commissariat « alors qu’il était sous la responsabilité de l’Éducation Nationale ». Sur les 54 « jeunes » gardés à vue, 8 sont déférés devant un juge pour violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique, attroupement armé et rébellion. Ils sont tous mineurs. Scène de la vie ordinaire : des « jeunes », surtout ne caractériser aucune origine sociale, géographique ou ethnique, mènent une opération de guérilla urbaine. Contre les institutions de la République.  On ne compte plus les occurrences de ces violences. Des émeutes du même genre ont déjà eu lieu à Saint-Denis mi-février aux abords de la basilique. La presse étrangère, éberluée, observe la rue française et parle de scènes de « guerre civile ». Ces violences ne concernent pas seulement la France. Mais ici, elles sont devenues des scènes de la vie ordinaire. Quotidienne. Comparer le Saint-Denis nocturne contemporain à ce que Saint-Denis symbolise n’est pas anodin. Saint-Denis et Suger, grandeur de la France d’hier. Il y a entre les deux toute la distance séparant la civilisation et la barbarie. Cela doit être dit sans tabou.

« Ils sont où les parents ? »

La civilisation repose sur l’autorité. « Ils sont où les parents ? », se demandait sur France Inter, le 15 février dernier, une jeune femme issue de l’immigration. Après deux nuits d’émeutes à Bobigny, Saint-Denis et Aulnay. La jeune femme évoquait les centaines de « jeunes » incendiaires s’attaquant aux forces de l’ordre. En effet : « Ils sont où les parents ? ». La perte de l’autorité, depuis longtemps signalée par des intellectuels comme Finkielkraut, est la principale cause de ces violences. Autorité des parents. Autorité de l’école. Autorité de la République. Difficile, l’autorité, dira-t-on, quand on envisage de pénaliser la fessée. Quand une claque à un élève est une maltraitance, parfois « raciste ». On parle de légaliser le cannabis, d’interdire fessées et claques, de multiplier les salles de shoot… La République a le devoir d’imposer son autorité. Aux familles, d’abord. En responsabilisant les parents. Responsabilisation qui passe par la sanction financière. Les familles ont le devoir d’empêcher leurs adolescents de passer la nuit dehors. Que des « jeunes » de CM2 ou de 6e traînent la nuit est irresponsable. Ces « jeunes » doivent être à leur place : chez eux. Cette responsabilité incombe aux familles. Elles doivent rétablir l’ordre dans leurs appartements. La République a le devoir de mettre des mots sur le réel : les « jeunes » issus de l’immigration qui mettent le bordel dans les rues et les lycées doivent être rappelés à l’ordre et punis. Les familles concernées sont minoritaires et connues des services. Elles doivent être sanctionnées.

Où est la limite ?

Qu’un lycée soit attaqué n’est pas anodin. Les « jeunes » s’en prennent au lieu du savoir. Le lycée Suger est un lycée polyvalent, associant lycée général, technologique et professionnel. Des lycées conçus comme « outils de mixité sociale ». Il sera intéressant de connaître le parcours des « jeunes » en question, tant scolaire qu’ethnique. L’idée peut sembler généreuse : créer des passerelles entre les filières. C’est pourtant mettre la charrue avant les bœufs. L’école ne recommencera pas à jouer son rôle tant que les adolescents ne seront pas réellement encadrés. À commencer par le savoir de base : lire, écrire, compter. Savoir écrire une phrase correcte. Et tant que la notion de limite ne leur sera pas de nouveau imposée. Les adolescents multiplient les incivilités car ces bases ne le sont plus. La limite. Ce qui faisait, jusqu’à une époque récente, que tout jeune savait comment on s’adresse à un adulte, à un représentant du savoir ou de la République en particulier, comment on se comporte en collectivité, où jeter ses canettes et autres papiers de kebab. Tant que le minimum du vivre en commun ne sera plus acquis, aucun prétendu « vivre-ensemble » ne risque d’être possible.

Où est passée la langue ?

Dans les vidéos des événements, filmés avec des smartphones, on entend distinctement de jeunes filles ricaner, s’amuser de ce qu’elles voient dans un vocabulaire qui dit beaucoup de l’état de l’école : « téma, téma… (…) Wesh, ya la chaleur du feu, y sont passés en balles, wesh. Y zont couru wesh ». Le ton est rigolard, l’excitation perceptible. Cela résume la perte de toute autorité, à commencer par celle du langage et de la culture. Passer une heure dans la cour de récréation d’un collège du « 9-3 » suffit pour entendre que la langue française n’y est plus parlée. Plutôt un sabir déculturé. Et nombre de langues étrangères. La culture dominante n’est pas la culture française mais celle des banlieues multiculturelles, du rap, des casquettes et du shit. L’État a le devoir de rétablir l’ordre républicain et l’ordre de la culture française au sein des établissements scolaires. Une remise en ordre qui passe par la transmission de ce qui fait nation et communauté française : une culture, des valeurs et une langue commune.

Dire les mots qui fâchent sans tabous

Dans la France contemporaine, des parents majoritairement issus de l’immigration ne contrôlent pas leurs enfants, ces derniers n’obéissent plus à leurs professeurs, pas plus aux forces de l’ordre. Ces « jeunes », que l’on se refuse à nommer autrement par déni du réel, ont perdu tout sens de la limite, dans tous les aspects du quotidien, plus préoccupés de shit et de « nique la France » que d’autre chose. Ces « jeunes » n’apprennent rien, ne travaillent pas, refusent toute notion d’effort et sont persuadés, « wesh, téma », d’être dans le vrai. Pourquoi ? Le problème est politique. Au lieu d’inscrire ces « jeunes » dans une culture et une civilisation enracinées, on leur répète combien ils sont victimes, combien ils ont raison de « niquer la France », combien il est excusable, après les souffrances dont furent victimes leurs ancêtres et dont la France serait coupable, qu’ils crachent à la figure de leurs enseignants, disent « ferme ta gueule » à un professeur quand il commence un cours sur les Hébreux ou attaquent des policiers à coup de barres de fer. Une époque viendra où des comptes seront demandés aux hommes et aux femmes politiques directement responsables de la situation actuelle, situation d’une gravité sans égale, unique à l’échelle des pays développés, et directement issue de l’idéologie libérale libertaire au pouvoir depuis quarante ans. Pour ladite idéologie, l’avenir est dans le communautarisme tandis que l’autorité serait par nature une forme d’oppression. Ce n’est pas seulement une conception politique, c’est une faute.



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Matthieu Baumier est l'auteur d’essais (<em>L’anti traité d’athéologie,</em> Presses de la Renaissance, 2005 ; <em>La démocratie totalitaire. Penser la modernité post-démocratique,</em> Presses de la Renaissance, 2007 ; <em>Vincent de Paul,</em> Pygmalion-Flammarion, 2008) et de romans (<em>Les apôtres du néant,</em> Flammarion, 2002 ; <em>Le Manuscrit Louise B,</em> Les Belles Lettres, 2005). Il collabore à <em>La Revue des Deux Mondes.</em>

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