En cet été 2024, en plein Jeux olympiques, assiste-t-on à la fin du « en même temps » présidentiel ? On peut le penser, et l’espérer, sur le plan intérieur au vu de l’impasse politique dans laquelle la dissolution voulue par Emmanuel Macron a conduit le pays. Ce retour à un peu de modestie et de lucidité trouvera-t-il son pendant en politique étrangère ? Ce serait également souhaitable compte tenu du nombre de dossiers diplomatiques (de l’OTAN à la Russie, en passant par la Chine, l’Afrique, le Liban, l’Algérie, etc.) sur lesquels la « pensée complexe » présidentielle s’est également égarée.
Le 30 juillet, Emmanuel Macron a reconnu le plan d’autonomie marocain comme « la seule base pour une solution politique juste et durable » pour le Sahara occidental, ainsi que la souveraineté du Maroc sur ce territoire. C’est un pas dans la bonne direction, un choix diplomatique conséquent. Cette décision marque une étape importante vers la réconciliation avec le royaume chérifien, en répondant aux principes fondamentaux d’une politique étrangère digne de ce nom : intérêts, vision et durée. Si elle irrite l’Algérie, qui a rappelé son ambassadeur, elle témoigne d’une réorientation stratégique française nécessaire à la lumière des évolutions régionales et internationales.
Depuis son élection en 2017, Emmanuel Macron avait fait ce qu’on peut appeler un « pari algérien », cherchant à réconcilier les deux pays et semblant penser qu’une telle démarche pourrait solder le passé douloureux et ouvrir un nouveau chapitre dans les relations franco-algériennes. Pour ce faire, il a multiplié les gestes de bonne volonté, en particulier sur le plan mémoriel. Il a poussé la repentance très loin, jusqu’à humilier son propre pays, notre pays. Alger n’a répondu à ces initiatives que par des critiques acerbes, des provocations, des exigences sans cesse renouvelées. Cet entêtement a conduit à un raidissement inédit des relations avec le Maroc, délaissé au profit de chimères avec l’Algérie. Ce pari infructueux semble désormais abandonné, Emmanuel Macron semblant juger plus fructueux le renforcement des liens avec Rabat.
Reconnaître le plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental n’est pas seulement répondre à une revendication diplomatique ancienne. C’est un moyen habile de reconnaître publiquement le statut de puissance régionale acquis par le pays. En effet, le Maroc est le seul pays stable du Maghreb et des rives de l’immense région sahélo-saharienne. Cette stabilité politique et économique, acquise au fil des vingt-cinq dernières années, lui permet de jouer un rôle crucial dans une zone constamment traversée par des tensions politiques et sécuritaires. Tel n’est pas le cas de ses voisins puisque la Tunisie semble s’enfoncer dans une sorte de lente glaciation autoritaire, tandis que l’Algérie reste figée dans un immobilisme anachronique (s’apprêtant à réélire Abdelmajid Tebboune lors d’élections présidentielles sans surprise qui auront lieu le 9 septembre prochain).
Enfin, ce rapprochement avec le Maroc s’inscrit dans un contexte géopolitique global instable et dangereux. La résurgence des conflits entre États, les ambitions territoriales explicites et le retour de la guerre sur plusieurs fronts exigent que la France, et globalement les Occidentaux, révisent et consolident leur système d’alliances. La Russie, active en Ukraine, bien implantée en Méditerranée orientale et désormais clairement hostile à Israël (elle vient tout de même de qualifier « d’assassinat politique tout à fait inacceptable » la mort d’Ismaïl Haniyeh, chef politique du mouvement terroriste Hamas, à Téhéran !), constitue une menace directe pour la stabilité régionale. En parallèle, l’Algérie, par ses liens étroits avec Moscou et ses achats d’armements russes, renforce cette dynamique préoccupante. En effet, le contexte géopolitique global doit nous conduire à « voir ce que nous voyons » : les théâtres d’opérations de la contestation planétaire contre l’Occident ne sont pas isolés les uns des autres mais tous interconnectés.
Dès lors, le rapprochement avec Rabat et le soutien français au plan marocain pour le Sahara occidental, après ceux de l’Espagne et de l’Allemagne ces deux dernières années, deviennent non seulement stratégiques mais impératifs. Il appartient maintenant aux deux nations de consolider cette alliance et de lui donner portée, pérennité et force.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !