Au pouvoir depuis 2010, le libéral Mark Rutte défendait une limitation drastique du droit d’asile, limitation inacceptable pour ses alliés du centre et de gauche. Démissionnaire, il est le favori pour les prochaines élections qu’il provoque, talonné par le BBB de Caroline van der Plas. La vie politique du pays a été marquée ces derniers mois par la chronique sordide des incidents autour du centre de migrants de Ter Apel, sorte de Calais batave en pire. Correspondance.
Dernière minute ! Le Premier ministre Mark Rutte a annoncé lundi 10 juillet qu’il quittera finalement la politique après les élections |
Si, en France, les séquelles de l’immigration ont mené à des émeutes à une échelle inouïe, aux Pays-Bas, elles restent pour le moment limitées à une crise politique. Vendredi 7 juillet le Premier ministre, M. Mark Rutte, a démissionné quand la coalition gouvernementale eut rejeté ses propositions de restreindre l’afflux de migrants. Même après plusieurs réunions d’urgence de la coalition quadripartite, ses faux alliés libéraux de gauche et protestants jugèrent inacceptable de limiter le regroupement de réfugiés, pompe aspirante certifiée. M. Rutte exigea notamment un quota du nombre d’enfants en provenance de zones de guerre. Le pays s’achemine ainsi vers des élections législatives anticipées, mi-novembre, selon la presse néerlandaise. Élections où M. Rutte, libéral conservateur, aux manettes depuis octobre 2010, espère s’ériger en champion anti-immigration, contrairement aux partis avec lesquels il se voyait contraint de gouverner depuis janvier 2022 pour s’assurer une majorité parlementaire.
Ter Apel, pas une riante bourgade
C’est une rébellion dans son propre parti, le VVD, qui a contraint M. Rutte à rompre enfin avec les “immigrationnistes”, selon les commentateurs. En effet, lors de congrès et autres réunions de son parti, des membres l’engueulèrent ferme. “Par pitié, Mark, pense à ton propre peuple pour une fois!”, l’enjoignit l’autre jour un membre excédé. Applaudissements. Jamais dans sa carrière M. Rutte n’avait souffert de pareils affronts de la part de libéraux, connus en général comme des gens convenables et qui se tiennent… L’ire liberale, et de la droite de la droite de M. Geert Wilders, fut alimentée au fil des ans par les histoires sordides du principal centre de réfugiés aux Pays-Bas, près du village de Ter Apel, dans la province de Groningue. Fin juin, des habitants y avaient formé une ‘milice’ pour chasser les indésirables, comme de jeunes réfugiés nord-africains. Armés de gourdins, les membres de la milice furent accompagnés d’un journaliste du journal De Telegraaf quand ils partirent à la chasse de fauteurs de troubles. Tels ceux qui avaient l’habitude de se masturber en public au passage de jeunes filles du village ? D’autres migrants commirent des vols dans les magasins, y menacèrent le personnel, cambriolèrent des maisons, déféquèrent dans des jardins et firent preuve d’attitudes intimidantes envers les rares habitants suffisamment courageux pour les admonester… Ajoutez à cela le refus de certains de payer dans les transports publics, terrorisant les conducteurs, et la propagation de ces pratiques dans d’autres centres d’accueil, et on comprend que le mot néerlandais de vluchteling, ‘réfugié’, ou asielzoeker, demandeur d’asile, finirent par acquérir une tonalité péjorative [1].
Comme dans un moulin
Parmi les 1800 refugiés de Ter Apel, plusieurs centaines reçoivent le statut légal chaque année et, de ce fait, ont droit à un logement social. Leur nombre monta à tel point que dans certaines villes et villages, dont Utrecht, les aspirants néerlandais à un logement furent priés d’attendre: une famille érythréenne ou somalienne était prioritaire.
Ce qui fit grand bruit dans les médias et au parlement, où M. Rutte dut affronter les attaques de la droite de la droite, exigeant, comme M. Wilders, la fermeture des frontières. Le magazine EW révéla récemment que, malgré les paroles de fermeté gouvernementales, aux Pays-Bas, on entre comme dans une église. En 2022, près de 80% des demandes d’asile furent honorées, contre 38,5% selon la moyenne européenne. Chiffres qui augmentèrent la pression sur M. Rutte, invité à se séparer de ses trois partenaires gouvernementaux dont deux, les protestants fondamentalistes et les libéraux de gauche, ne voient pas le problème. Et dont le troisième, les chrétiens-démocrates, est trop divisé pour savoir ce qu’il veut…
Selon des enquêtes express, M. Rutte, 56 ans, est toutefois bien placé pour gagner son pari: remporter les législatives de novembre et entamer un cinquième tour de piste comme Premier ministre.
[1] https://www.telegraaf.nl/nieuws/1933275147/ter-apel-wapent-zich-tegen-raddraaiers-uit-azc-geweld-beantwoorden-we-met-geweld et https://www.geenstijl.nl/5171107/ter-apel-bijna-gevallen/