Un oligarque russe vient de créer un mouvement politique qui milite pour la restauration des Tsars. Vladimir Poutine n’est pas nécessairement contre…
Le 22 novembre, un congrès de la « Société de l’Aigle à deux-têtes », dirigé par Konstantin Malofeev, a eu lieu à Moscou. L’événement a réuni des centaines de délégués des sections régionales de son mouvement, des représentants de l’Union des volontaires du Donbass, de l’Union des guerriers cosaques de Russie et de l’étranger, de l’Union des femmes orthodoxes, ainsi que d’autres associations patriotiques et orthodoxes proches de la mouvance tsariste. Celui qui souffle à l’oreille du président Vladimir Poutine a annoncé la création du mouvement « Tsargrad » qui présentera des candidats aux prochaines élections législatives, soutient le retour de la monarchie et la protection des valeurs traditionnelles russes.
Pour une fédération eurasienne
Entrepreneur à succès qui a noué un solide réseau politique et entouré de nombreuses controverses, Konstantin Malofeev entend désormais s’imposer à la Douma, le parlement russe. Le nom de son parti est loin d’être anodin puisqu’il se réfère aux thèses panslavistes en vigueur et l’équivalent étymologique russe de Constantinople, dont la Russie se considère comme la légitime héritière depuis sa chute en 1453. Le manifeste du parti ne manque pas d’ambition. Son préambule annonce qu’il se considère comme « la plus grande organisation représentant les intérêts des Russes » et a d’ores et déjà des centaines de milliers de membres à son actif, prêts à faire campagne pour la restauration de la monarchie tombée en 1917, victime d’une révolution achevée par les bolchéviques. Son programme reprend les grands crédos du nationalisme russe, la défense de la famille, de la culture russe, de sa diaspora, de ses valeurs religieuses et prône la renaissance de l’empire incluant l’annexion de la Moldavie, la Transnistrie, la Biélorussie au sein d’une fédération eurasienne inspirée des écrits d’Alexandre Douguine, lui-même membre du conseil suprême de Tsargrad. Un mouvement qui saura répondre « aux attaques des occidentaux, de leurs lobbys et de leurs agents présents en Russie » affirme Konstantin Malofeev.
« Nous sommes les enfants de la Victoire ! Nous sommes les bâtisseurs de l’Empire russe du futur »
« Nous sommes les héritiers des grandes victoires des armées russes sur les Khazars, sur la Horde d’Or, sur le Commonwealth [en référence à l’empire britannique-ndlr], sur le Khanat de Crimée, sur le Royaume de Suède, sur la Turquie ottomane, sur l’empire français de Napoléon et sur l’Allemagne fasciste. Nous sommes les enfants de la Victoire ! Nous sommes les bâtisseurs de l’Empire russe du futur » peut-on encore lire sur le manifeste. Le salut de la Russie passera par la restauration de ses Tsars. Une idée actuellement soutenue par un tiers des Russes, dont 46% de sa jeunesse selon un sondage daté de 2017. Très proche de la maison impériale des Romanov dont il assure la promotion médiatique, Konstantin Malofeev précise que « son mouvement rassemble des personnes de tous horizons qui partagent avec lui la conviction que la monarchie autocratique est la seule institution raisonnable, traditionnelle et naturelle pour notre société ».
« Elle a été la période la plus heureuse et la plus brillante de l’histoire du peuple russe. Je considère que c’est le seul refuge sûr pour la Russie. Et pour les croyants, c’est aussi celle qu’il faut soutenir » renchérit l’oligarque qui tente de dessiner plus royalement l’avenir de son pays et qui se prépare d’ores et déjà à l’après Vladimir Poutine, le président russe qui dirige le pays depuis 1999.
Le retour des Romanov
L’idée d’un retour de la monarchie en Russie est loin d’être nouvelle. Évoquée sous la présidence de Boris Eltsine (1992-1999) qui avait songé à faire venir auprès de lui le Grand-duc héritier George Romanov, elle resurgit régulièrement dans un pays qui se réapproprie progressivement son histoire. Les Romanov ont été réhabilités, canonisés et le Tsar Nicolas II, hier décrié comme étant un implacable tyran durant la période communiste, est aujourd’hui une des personnes préférées des Russes. Jouant à la fois sur la nostalgie impériale et soviétique, l’occupant du Kremlin a été plusieurs fois interrogé sur la possibilité d’un retour de la monarchie après son départ. « Officiellement pas sur son agenda » avait répondu Poutine au réalisateur Oliver Stone qui lui posait justement cette question lors d’une interview historique.
Habitués à brouiller les pistes, ses conseillers préfèrent démentir toute idée du genre ou nuancer ses propos. « Le président Vladimir Poutine voit l’émergence de cette idée sans réel optimisme mais reste très ouvert sur le sujet » avait alors expliqué Dimitri Peskov, le porte-parole du gouvernement en 2017, réfutant tout soutien à Konstantin Malofeev et son « initiative personnelle ». Du côté des Romanov, on se tient prêt à un éventuel retour. « Le retour d’un attachement à la foi et la tradition suscite à son tour un intérêt accru pour la monarchie. Je suis convaincu que la monarchie pourrait être à nouveau très utile à la fois en Russie et dans de nombreux autres pays. La monarchie héréditaire offre une continuité – une continuité vivante et résolue – avec le passé et peut servir de véritable arbitre neutre dans la société parce que son pouvoir n’est pas tributaire d’un parti ou d’un groupe politique. La monarchie défend et protège les intérêts de la nation entière dans son ensemble. Si nous parlions de réformes progressives et de changement, je dirais encore une fois que la monarchie est un vecteur de modernité beaucoup plus efficace que les républiques » a déclaré pas plus tard que cet été dernier la Grande duchesse Maria Wladmirovna, actuelle prétendante au trône de Russie et descendante d’Alexandre II. Un Tsar resté célèbre pour avoir aboli le servage. Reste à savoir si les Russes suivront massivement le mouvement de Konstantin Malofeev qui a reçu le soutien de divers députés et sénateurs. À moins que Vladimir Poutine ne finisse par se couronner lui-même comme certains en rêvent ouvertement en Russie.
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