Vous je ne sais pas, mais moi je commence à en avoir ras-la-frange de l’avalanche de propagande anti-russe ou plutôt anti-Medvedev, c’est-à-dire anti-Poutine, que nous déversent à pleins flots les démocrates occidentaux tombés brusquement raide dingues de l’exquise petite Géorgie menacée, dit-on, de génocide.
Moi qui étais déjà jeune bien avant la chute du mur de Berlin, je n’ai pas souvenir d’avoir été autant tympanisé avec les crimes de masse – avérés, eux – de feue l’Union soviétique.
Alors, pourquoi ces deux poids et deux mesures ? Lâcheté ? Sans doute. La « gauche morale » a toujours eu une regrettable propension à taper dans le beurre plutôt que dans le fer. « Est-ce par hasard ? », comme disait Dave dans un autre contexte, si Sartre a découvert les vertus de l’engagement en 1945 ?
Lâcheté certes, mais aveuglement surtout : ces singes-là veulent bien parler, mais en aucun cas ni voir ni entendre. Et puis après tout, peu importe : quelle que soit la face par laquelle on gravit la montagne de la connerie, on se retrouve ensemble au sommet !
Rumeurs sur les bancs de la gauche : « Vous n’avez pas le droit de comparer Staline et Hitler au nom du totalitarisme ! » Parce que, figurez-vous, il y a une différence de fond : le communisme, contrairement au nazisme, était pavé de bonnes intentions.
Mais depuis quand l’hypocrisie est-elle une preuve de bonne foi ? Devinette simple : à quoi reconnaît-on infailliblement un intellectuel-de-gauche ? A son étonnante capacité de changer d’erreur sans jamais effleurer la vérité.
En l’occurrence hélas, ce syndrome erroriste semble avoir contaminé les esprits bien au-delà des rangs de la gauche. Parmi les responsables de l’ex-Monde Libre, c’est à qui hurlera le plus fort au viol de la démocratie, depuis Nicolas Sarkozy jusqu’ à Angela Merkel, en passant par le décidément prometteur John Mc Cain – qui croit voir les trois lettres KGB dans les yeux de Poutine (qui ne sont pourtant que deux) avant de conclure logiquement : « Aujourd’hui, nous sommes tous Géorgiens. »
Car la vérité, dans cette affaire, c’est que jamais la Russie n’a été aussi démocratique ! Sans doute pas une démocratie parfaite telle que l’ont rêvée Platon ou Tocqueville. Mais où donc est-elle ? Après soixante-dix ans d’une dictature ubuesque et sadique, puis dix années de chaos où l’Etat désagrégé a démissionné au profit des clans mafieux, « que faire ? », comme disait l’autre ?
S’enfoncer dans le chaos des guerres entre féodalités ploutocratiques (auxquelles Eltsine avait cédé la réalité du pouvoir ) ? Retourner à la dictature communiste par la voie des urnes ? (Encore deux ans du même Eltsine, et on y était !)
En 2000, Poutine a proposé une troisième voie – la seule possible, et donc souhaitable – dans un pays qui revenait de si loin. Sortir la Russie de la crise, faire progresser le niveau de vie sans liquider les acquis sociaux. Et surtout, redonner au pays une fierté nationale et une stature internationale, au risque de fâcher quelques étrangers jaloux…
Que demande le peuple russe ? Ça, apparemment !
Photographie de une : Moscou, 2007, par Panoramas, flickr.
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