Grands-ducs noceurs ou chauffeurs de taxis, des dizaines de milliers de Russes blancs ont choisi de s’installer en France après la révolution et la guerre civile. La Russie postsoviétique les a en partie réhabilités. Mais leur histoire reste occultée.
Plusieurs jours par semaine, des années durant, une voiture m’a attendu en fin de matinée, à la sortie de la classe. Après le déjeuner à la maison, la même Peugeot 403 crème ramenait à son école un jeune garçon tout fier du privilège dont il bénéficiait : un taxi à son service, un taxi gratuit qui plus est. Le conducteur de la Peugeot était effectivement un chauffeur de taxi particulier : un ancien officier de la marine impériale russe. Mort à l’été 1977, à près de 90 ans, en restant au volant quasiment jusqu’à sa dernière heure, « mon » chauffeur de taxi est peut-être le dernier Russe blanc que les Parisiens ont pu croiser au volant de son véhicule, alimentant ainsi, soixante ans après 1917, une des images les plus fortes de l’émigration russe en France. À tel point que mon éditeur a tenu à illustrer la couverture de mes Russes blancs (Tallandier, 2011) avec la photographie d’un chauffeur de taxi.
Un général de cavalerie chauffeur de taxi
Pourtant, s’ils ont été plusieurs milliers à Paris et dans la région parisienne à conduire un taxi dans les années 1925-1930, les Russes blancs ont encore été plus nombreux à travailler dans les usines Renault ou chez d’autres constructeurs automobiles. Dix mille, écrit même Nina Berberova dans ses Chroniques de Billancourt, un récit très illustratif de la manière dont
