Monsieur Nostalgie revient sur la victoire du XV de France face aux All blacks, samedi au Stade de France
Quand tout semble éteint, que les faits de société polluent l’actualité, quand le découragement est un sentiment partagé par nombre de Français, il y a toujours un mince espoir qui surgit. À l’improviste. À l’harmonie retrouvée des peuples souverains…
Ensemble, tout devient possible
Un minuscule rai de lumière qui vient éclairer les vieux pays poussés au déni et au ressentiment. Cet éclair agit comme un sursaut national, une vague patriotique qui enfle, une foule familiale, enfin réunie, bien au-delà de l’ovalie, qui ne serait ni haineuse, ni victimaire, un moment de communion nationale où la Marseillaise ne serait pas souillée par des insultes et des cris. Samedi, on chantait ensemble et on vibrait dans un même élan, dans une même direction, pour un même camp. On se sentait passionnément « bleu » ; nous n’avions pas honte de nos drapeaux tricolores qui fouettaient gaiement cette nuit d’automne. Nous étions heureux de voir batailler notre XV face à des Néozélandais qui ne manquèrent ni d’allant, ni de puissance. Que la victoire est belle quand les deux blocs s’estiment et se congratulent au coup de sifflet final.
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Les spectateurs du match de samedi soir au Stade de France ont vécu cet instant où tout est possible, où les défaitistes et les fossoyeurs de notre Histoire sont balayés d’une chistera, où un seul point transforme le sport en une odyssée. Parce que les grands pays ont besoin de raconter leur épopée pour faire perdurer le feu sacré. Samedi soir, cette cohésion du public, à l’unisson de son équipe, a réchauffé bien des cœurs de supporters qui saignent durant toute l’année, devant tant de violence et de haine. Chacun a ressenti, devant son téléviseur ou au pied de la pelouse, l’onde de notre Patrie osciller, sans forfanterie, sans calcul électoral, avec cependant une vigueur nouvelle et une forme de reconnaissance. C’était seulement quelques jours après un 11-Novembre où le souvenir des poilus a, cette fois-ci, touché une large partie de l’opinion comme si les héros de la Première Guerre mondiale n’étaient plus les invisibles des monuments aux morts. Que n’avait-on pourtant pas dit de la cérémonie d’ouverture de la Coupe du Monde de rugby en 2023, rance, franchouillarde, rétrograde et poujadiste, elle fut conspuée par les tenants de l’ordre moral et médiatique. La tradition et la naïveté festive les dépassent. Ils n’aiment que la discorde et le chaos. Cette victoire d’une courte tête avait la dramaturgie de nos contes d’enfance. Le XV a résisté, il a été secoué, malmené par les virtuoses de l’hémisphère sud et il a trouvé le chemin. Il était fragile, tempétueux et providentiel.
Il court, il court le Biarrey…
Quand tout semble compromis, quand la dérive du monde semble inéluctable, que notre hexagone sombre chaque jour un peu plus, les bleus nous ont donné une leçon de maintien et de panache. Ils ont cru en leur destin à force de pugnacité, de solidarité et de coups d’éclat. La rigueur, voire l’abnégation du collectif, car ce fut serré, va de concert avec la vista de certaines individualités. La réussite tient à cette instable alchimie, le groupe et l’homme devant l’obstacle. Nous nous souviendrons longtemps de la course de Louis Bielle-Biarrey, sprinteur casqué de rouge qui avale le terrain avec ses crampons de sept lieues, il court, il court le Biarrey, poursuivi par des colosses en maillot blanc. Il nous redonne le sourire et nous tire des larmes de bonheur. On cherche souvent dans une France exsangue des raisons d’y croire encore, des figures qui portent la jeunesse et cette flamme intérieure qui ne s’essouffle jamais au vent mauvais. Louis, notre casque d’or, a le profil d’un Astérix ailé. Il ne fut pas le seul à briller, Thomas Ramos et son pied n’ont pas tremblé. Sa sérénité devant les poteaux devrait inspirer nos hommes politiques dans les Assemblées. Bien sûr, ce n’était qu’un match de tournée mais face aux All Blacks, chaque rencontre tient malgré tout lieu de test pour les corps et pour l’esprit ; cette vague bleue avait quelque chose de profondément enthousiasmant.
En temps de crise de régime, nous sommes à l’affût, en demande, de ces rencontres décisives. Avec le XV de France, nous nous sentons enfin vivants, combatifs et reconnaissants pour notre pays.