Les propositions des députés LR pour réguler l’immigration ressemblent au projet de loi sur l’immigration illégale débattu actuellement au Parlement de Westminster. Mais la fermeté prônée par le gouvernement britannique est d’ores et déjà condamnée par les instances internationales, les ONG et le patronat.
Modifier la Constitution pour permettre à une éventuelle loi organique portant sur l’immigration d’échapper à la primauté du droit international ; limiter la capacité des juges nationaux et internationaux à entraver les décisions concernant des immigrés prises par le gouvernement ; mettre fin à toute demande d’asile se faisant sur le territoire français… Ces propositions de LR rappellent furieusement le projet de loi sur l’immigration illégale dont délibère actuellement le Parlement de Westminster. Si une telle loi est promulguée outre-Manche, elle obligera le ministre de l’Intérieur à arrêter et à expulser toute personne entrée illégalement sur le territoire britannique après être passée par un pays tiers considéré comme sûr. Sauf exception, aucune demande d’asile ne sera recevable si elle ne se fait pas en dehors du territoire national. Les expulsions se feront vers le pays d’origine du migrant ou vers un pays considéré comme sûr : le gouvernement de Rishi Sunak en a repéré 57 dans le monde, dont le Rwanda. Les tribunaux britanniques ne pourront pas invoquer les traités internationaux pour obliger un ministre à modifier ses décisions, et les migrants clandestins n’auront plus le droit de faire appel de ces décisions auprès des tribunaux nationaux. À travers leurs porte-parole, l’ONU, la CEDH et l’UE ont déjà condamné ce projet de loi qui, selon elles, contreviendrait à la Convention de Genève, à la Convention européenne des droits de l’homme et à l’Accord de retrait du Royaume-Uni de l’UE.
La saison des soldes
Pourtant, le gouvernement britannique persiste et signe. Étant donné l’explosion de l’immigration outre-Manche, il y a intérêt. Concernant l’immigration irrégulière, les vrais chiffres sont difficiles à estimer, mais selon l’Office for National Statistics (ONS), l’équivalent de l’Insee, pas moins de 45 755 migrants ont traversé la Manche en 2022, une augmentation de 60 % par rapport à 2021. Quant à la migration légale, l’ONS vient d’annoncer un chiffre record de XXX 000 pour le solde migratoire net. En 2016, avant le Brexit, le solde n’était que de 336 000. Cette augmentation dramatique s’explique en partie par la réouverture des digues après le Covid, ainsi que par l’afflux des réfugiés d’Ukraine et de Hong Kong, mais la tendance est nettement à la hausse. Comme le projet de loi actuel ne porte que sur l’immigration illégale, une victoire dans ce domaine serait essentielle pour maintenir la crédibilité du gouvernement de Sunak. Et ce, d’autant plus que l’inflation et le financement du système de santé se révèlent des casse-tête quasi insolubles. C’est ainsi que, dans la même semaine de mars où la ministre de l’Intérieur, Suella Braverman, a présenté le projet de loi à la Chambre des Communes, au sommet franco-britannique à l’Élysée, Richi Sunak a annoncé un grand plan de lutte contre l’immigration illégale, avec la construction d’un nouveau centre de rétention sur le sol français et l’investissement de 541 millions d’euros sur trois ans pour financer une surveillance accrue des côtes françaises. Cela fait beaucoup de bruit – pour rien ?
Chose promise, chose due
Après treize ans au pouvoir, l’immigration est devenue un sujet de désespoir pour les Tories. Depuis 2010, les gouvernements successifs promettent de réduire le solde migratoire annuel à moins de 100 000 et y échouent lamentablement. En 2019, Boris Johnson a abandonné tout objectif chiffré, mais a quand même osé deux promesses : d’abord, réduire l’immigration en général ; ensuite, ne laisser entrer que des travailleurs qualifiés ne constituant pas une source de concurrence déloyale pour les ouvriers britanniques non qualifiés. Sunak et Braverman ont ainsi hérité d’un double défi et doivent faire face à une double fronde. D’un côté, en voulant réduire l’immigration illégale, ils suscitent l’opposition acharnée des instances juridiques internationales, des ONG et de toute la clique immigrationniste.
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De l’autre, en voulant réduire l’immigration légale, ils subissent une forte pression des employeurs qui réclament plus d’immigrés. Ces derniers sont nécessaires pour occuper les postes à haute valeur ajoutée pour lesquels il n’y a pas assez de Britanniques qualifiés, mais aussi pour faire les métiers subalternes dont les Britanniques ne veulent toujours pas. Les visas pour les travailleurs qualifiés ont explosé : 166 000 ont été délivrés en 2022, contre 63 700 en 2019, avant la pandémie. Quant aux petits emplois laissés vacants après le départ post-Brexit de beaucoup de travailleurs venus de l’UE, les entreprises demandent au gouvernement d’assouplir les règles. Un autre facteur qui gonfle le solde migratoire est le nombre de visas accordés aux étudiants étrangers : plus de 490 000 en 2022, une augmentation de 81 % par rapport à l’époque pré-Covid. Ces étudiants, qui ne sont pas loin d’être majoritaires dans certaines des meilleures universités à Londres et qui sont souvent prêts à payer une inscription annuelle entre 20 000 et 50 000 livres, sont indispensables au financement du système d’enseignement supérieur. Très souvent, ils restent travailler après leurs études.
Certes, plus le nombre d’immigrés augmente, plus la main-d’œuvre augmente, et plus l’économie grandit, ce qui est essentiel pour faire face à l’inflation. Mais jusqu’à présent l’immigration n’a jamais permis d’augmenter la productivité de la main-d’œuvre. C’est cela le vrai Graal qui permettrait au pays de sortir du pétrin et au gouvernement conservateur de se faire réélire en 2024. En France, les propositions des Républicains risquent de rencontrer les mêmes dilemmes et les mêmes résistances que celles des conservateurs outre-Manche. La droite française, tout comme la droite britannique, compte sur leur fermeté en matière d’immigration pour garantir leur survie. C’est une planche de salut très glissante.