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Royaume-Uni : Dieu et ma droite


Royaume-Uni : Dieu et ma droite

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Las, si seulement René Rémond s’était penché sur les Tories, ce marigot d’ultras, partisans d’une monarchie musclée, éclipsés sous Cromwell, revenus au galop après la chute du « tyran » ! Les Tories sont nés traditionalistes et conservateurs. Leur devise : « God, King and Country ». En revanche, jusqu’au début du XXe siècle, ces défenseurs des grands propriétaires terriens luttent avec passion contre l’ouverture de la succession monarchique aux catholiques, l’indépendance des colonies américaines et le libre-échange.

En fait, si René Rémond s’était penché sur la droite britannique, il y aurait sûrement vu la Révolution française.[access capability= »lire_inedits »] Quand les Tories fondent le Parti conservateur, en 1832, ils se définissent en réaction contre tout ce qui pourrait rappeler de près ou de loin l’héritage de 1789 et, plus théoriquement, contre toute idée abstraite érigée en principe de gouvernement. À ce titre, leur maître à penser se nomme Edmund Burke, dont les écrits influencent encore aujourd’hui l’idée que les Britanniques se font de notre glorieuse Révolution. Considéré comme le fondateur du conservatisme politique anglo-saxon moderne, Edmund Burke est l’un des premiers philosophes à ériger la propriété privée comme fondement du progrès humain et la réforme, ordonnée d’en haut et aussi lente que possible, comme seul processus légitime du changement social. Il exècre toute forme de révolution qu’il laisse à ces sauvages de Français. Mais ce libéral ne partage pas l’absolutisme intransigeant d’un Joseph de Maistre à qui on l’a souvent comparé, ce qui explique peut-être qu’il ait toujours des lecteurs fervents.

Aujourd’hui, le repoussoir préféré de la droite britannique, mais aussi celui qui fait clivage en son sein, ne se trouve plus à Paris mais à Bruxelles. Tout conservateur doit se définir pour ou contre l’UE et les tabloïds conservateurs, du Daily Mirror au Daily Mail, ont fait de celle-ci leur souffre-douleur favori. Selon eux, la plupart des maux britanniques peuvent s’expliquer par les règles établies par Bruxelles et le grignotage de la souveraineté nationale.

Depuis la crise de l’euro et l’arrivée de la coalition conservatrice-libérale-démocrate au pouvoir en Grande-Bretagne, le Premier ministre, David Cameron, n’a cessé de batailler avec son aile eurosceptique. Quand, le 5 décembre 2011, il fait usage de son veto lors d’un sommet à Bruxelles, en présence de Nicolas Sarkozy et d’Angela Merkel, à son retour à Londres, il est fêté en héros. Un an plus tard, le voici à nouveau l’otage de 53 députés conservateurs rebelles le sommant de négocier des coupes drastiques dans le budget européen pour mieux faire passer la pilule de mesures d’austérité draconiennes auprès de leurs ouailles.

De nombreux commentateurs politiques britanniques, comme Will Hutton, s’arrachent les cheveux : « Les Tories forment l’un des plus vieux partis politiques du monde mais leur longévité se fonde sur leurs relations avec une certaine bourgeoisie anglaise, celle des propriétaires terriens, et non sur des jugements politiques judicieux. Leurs positions, notamment en matière de politique étrangère, se sont pratiquement toutes avérées effroyablement idiotes. S’opposer aux Révolutions française et américaine, essayer de ralentir l’inéluctable fin de l’esclavage, prôner l’apaisement dans les années trente, résister à la décolonisation en Inde fut mal venu, pour ne pas dire pire. Les instincts de la droite britannique  − chauvine, impérialiste, isolationniste, anti-progressiste − ont toujours conduit à des calamités pour le pays. Aujourd’hui, encore une fois, notre droite nous conduit à la Bérézina. »

En attendant les prochaines élections générales, au printemps 2014, l’Europe restera  le cache-misère national et, puisque les Tories jouent à « Quittera, quittera pas ? », l’objet de tous les paris des bookmakers du royaume.[/access]

*Photo : conservativeparty.

Novembre 2012 . N°53

Article extrait du Magazine Causeur



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