Né au XVIIe siècle, le Rosé-des-Riceys est un vin de Champagne bon marché quoique extrêmement difficile à élaborer. Ce rosé prisé de Louis XIV a traversé le temps en échappant aux calibrages du marché et de l’œnologie dominante.
Connaissez-vous le Rosé des Riceys ? L’un des vins les plus rares, confidentiels et insolites de France. Peu de cavistes en ont et ses amateurs fervents, triés sur le volet, font d’ailleurs tout pour ne pas divulguer son nom, tant sa production est minuscule et son prix encore très étonnamment accessible (de 14 à 25 euros la bouteille pour un millésime récent). Bernard Pivot, en 1987, fut le premier journaliste à en parler à la télévision, lors d’un « Apostrophes » mémorable digne d’un film de Claude Sautet, où vignerons et hommes de lettres n’hésitèrent pas à boire, à trinquer et à fumer en direct, l’œil pétillant, le nez rose et la lippe humide. Rétrospectivement, ce spectacle paraît hallucinant et inimaginable, maintenant que la sinistre et stupide loi Évin (du 10 janvier 1991) interdit que l’on fasse l’apologie du vin à la télévision (alors qu’en Espagne, la promotion télévisuelle des terroirs est non seulement autorisée, mais aussi encouragée par le gouvernement), celui-ci étant assimilé à une vulgaire drogue. Moyennant quoi, nos « d’jeunes », maintenus dans l’ignorance de ce qui est bon, et ne pouvant être initiés à la dimension culturelle du vin, se rabattent sur des cocktails violents à base de vodka, bus le plus longtemps possible sur le trottoir, dans des bouteilles en plastique : on appelle ça le « binge drinking »).
Inclassable et unique, difficile à fabriquer, non rentable financièrement, le Rosé des Riceys a bien failli disparaître au xxe siècle. Car, bien que produit en Champagne, ce vin n’est ni un champagne (au sens conventionnel du terme : c’est-à-dire un vin mousseux) ni un rosé pâlichon sans saveur (comme on nous en vend des palettes entières l’été venu) ! Allez donc y comprendre quelque chose… Non. Le Rosé des Riceys est un mutant, né au Grand Siècle, quand la Champagne et la Bourgogne se livraient une guerre à mort pour le contrôle du commerce des vins rouges à base de pinot noir, un champagne tranquille, sans bulles, à la belle couleur vermeille, et, selon la légende, l’un des vins préférés de Louis XIV. C’est pour cela qu’on l’aime…
Pour trouver ce vestige archéologique singulier, le plus simple est encore de se rendre sur place, au beau village médiéval des Riceys, niché
