« Des Turcs, des Mammeluks, des Perses, des Tartares ;
Bref, par tout l’univers tant craint et redouté,
Faut-il que par les siens luy-mesme soit donté ?
France, de ton malheur tu es cause en partie ;
Je t’en ay par mes vers mille fois advertie :
Tu es marastre aux tiens et mere aux estrangers,
Qui se mocquent de toy quand tu es aux dangers,
Car sans aucun travail les estrangers obtiennent
Les biens qui à tes fils justement appartiennent. »
Quezaco ? Un discours de Jean-Marie Le Pen traduit en vieux françois ? Les statuts du fan club québécois de Philippe de Villiers ? Vous n’y êtes pas, ce petit fragment poétique est extrait des œuvres complètes d’un certain Pierre de Ronsard, rééditées par La Pléiade[1. Pierre de Ronsard, Discours à Guillaume des-Autels, Œuvres complètes de Ronsard, éd. La Pléiade, tome II, p. 568.] qui circulent en vente libre dans notre pays. Xénophobe, voire islamophobe, ces vers suintent le françois de souche, comme dirait une critique littéraire avertie. Si rien n’est fait contre ce réactionnaire à la malfaisance post mortem, ne nous étonnons pas de retrouver un jour des odes à la femme si peu gay-friendly que les partisans du mariage pour tous s’y étrangleraient.
Décidément, bénie soit la HALDE qui, avant de rendre son dernier souffle, avait préconisé d’abandonner l’enseignement du fameux « Mignonne, allons voir si la rose » accusé de « véhicule(r) une image somme toute négative des seniors ». « Tandis que vostre âge fleuronne/ En sa plus verte nouveauté, Cueillez, cueillez vostre jeunesse : Comme à ceste fleur la vieillesse/ Fera ternir vostre beauté. » : si ça, c’est pas de l’âgisme…
Récapitulons. Ronsard est rétif à la diversité (mais pas de la bretonne, humour…), essentialise la femme en ignorant la théorie du genre et caricature nos aînés en vieux croulants. Qu’attendent donc Vincent Peillon, Najat Vallaud-Belkacem et Michèle Delaunay pour le bannir des programmes scolaires, des stages de rééducation féministe et autres Pictionary gaiement pratiqués en maison de retraite ?
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !