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Ron DeSantis sur Twitter: fin d’un faux suspens et premier faux pas

Le gouverneur star de la Floride accuse un sérieux retard face à Trump, officiellement candidat depuis novembre dernier


Ron DeSantis sur Twitter: fin d’un faux suspens et premier faux pas
Ron DeSantis à Sioux Center (Iowa), 13 mai 2023 © Charlie Neibergall/AP/SIPA

Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, très en pointe dans la guerre culturelle qui se joue en Amérique entre pro et anti-wokes, a lancé officiellement sa campagne sur Twitter mercredi. Les problèmes techniques ont fait échouer l’opération, comblant de joie les partisans de Donald Trump. Ce dernier, que DeSantis a longtemps soutenu, demeure en tête dans la course à l’investiture républicaine pour le moment, et invite son adversaire à se faire prescrire «une greffe de personnalité». Portrait.


Les Fantômes du vieux pays, roman remarqué de Nathan Hill, paru en 2017 et chroniqué par Jérôme Leroy, imaginait un gouverneur du Montana aux allures baroques, prêt à toutes les outrances pour s’offrir une carrière nationale, jusqu’à remettre en cause la légalité constitutionnelle et l’obéissance de son État au gouvernement fédéral. Depuis peu, la figure du gouverneur qui résiste à Washington, à force d’invectives, de mesures chocs et de coups d’éclat juridiques, n’est plus seulement romanesque. Et elle entre avec fracas dans la course présidentielle.

Mercredi, à 18h (minuit heure de Paris), le gouverneur de Floride, Ron DeSantis lançait sa candidature à l’investiture républicaine pour la présidentielle de 2024 sur Twitter par un échange en direct avec Elon Musk (propriétaire du réseau social). Le format était original ; l’opération sur Twitter Spaces a viré au désastre (multiples problèmes techniques et 20 minutes d’interruption pour reprendre en direct avec la voix de Musk expliquant que le serveur croulait sous le nombre d’internautes…).

Les Américains en ont-ils fini avec le retraité de Mar-a-Lago ?

Les adversaires de DeSantis, Joe Biden comme Donald Trump s’en sont donnés à cœur joie : des soutiens de ce dernier diffusant un faux dialogue désaccordé entre Musk, DeSantis, le diable, Adolf Hitler, Dick Cheney et George Soros [1]… Premier faux pas mais aussi fin d’un faux suspens. Voici plusieurs mois que cette étoile montante du parti Républicain préparait sa candidature : levée de fonds, débauchage de cadres influents… La position de Trump au sein du parti Républicain était devenue assez fragile pour le convaincre de tenter sa chance. Les affaires judiciaires s’accumulaient contre l’ancien président. Les élections de mi-mandat, en 2022, avaient été assez décevantes pour les Républicains (les Démocrates gardant le contrôle du Sénat et limitant la casse à la chambre des représentants), alors que la plupart des candidats Républicains ayant épousé les thèses de Donald Trump sur le vol de l’élection présidentielle avaient été envoyés au tas par les électeurs. Enfin, le lancement de campagne précipité de ce dernier était un peu tombé à plat. En y pensant toujours, sans jamais en parler, beaucoup de cadres du parti rêvaient alors d’en finir avec le retraité de Mar-a-Lago.

Donald Trump s’adresse à ses supporters depuis Mar-a-Lago, le 4 avril, juste après avoir été mis en accusation © Evan Vucci/AP/SIPA

Presque inconnu au moment de son élection, à l’arrachée, en 2019, comme gouverneur de Floride, Ron DeSantis doit sa popularité auprès de la base républicaine à plusieurs prises de position choc. Sa carrière nationale décolle vraiment en 2020 quand il se pose en champion des opposants aux restrictions sanitaires et maintient ouverts bars, commerces, écoles… Le pari était audacieux mais s’est avéré gagnant: la Floride n’a pas connu de pic épidémique et son taux de mortalité était très comparable à celui du reste des États-Unis. Populaire, Ron DeSantis continue sur sa lancée et se place désormais en défenseur de l’Amérique traditionnelle face à l’idéologie woke. Utilisant à cette fin les moyens de l’État et son pouvoir de gouverneur, il fait voter une loi pour restreindre l’enseignement de l’homosexualité dans le primaire que ses adversaires appellent « don’t say gay » et qui l’a conduit à une bataille judiciaire avec le groupe Disney, employeur majeur de Floride. Malgré les polémiques, il enfonce le clou dans son discours de victoire : « «we chose facts over fear, we chose education over endoctrination, we chose law and order » – plaçant résolument sa victoire sous le signe de la guerre culturelle. Localement, le gouverneur séduit les électeurs. Gagnant sa réélection à la tête de l’Etat avec 18 points d’avance, il l’ancre comme État rouge (conservateur) alors qu’il a longtemps été considéré comme un swing state (État tangent). Il perce même dans les districts les plus hispaniques où son discours pro famille et pro business séduit – un électorat que peinaient à atteindre les Républicains.

Un discours anti-élites bien rodé mais ce n’est pas Trump non plus

De prises de position en coups d’éclat, l’Amérique conservatrice se découvre progressivement un nouveau jackass. Plus institutionnalisé, plus mainstream, mais aussi à droite que Trump, capable d’envoyer vertement dans les roses des journalistes… Certains éditorialistes conservateurs – même parmi les plus radicaux – l’adoubent. Le très influent (et influenceur) droitier Ben Shapiro voit en Ron de Santis « a rock star ». La journaliste Ann Coulter le sacre nouveau leader du parti républicain.

Alors qu’il vitupère contre les élites des grandes métropoles, son parcours est des plus classiques: diplômé en histoire à Yale et en droit à Harvard, il a aussi servi en Irak au service juridique de la Marine alors qu’il s’était engagé dans la réserve. Ron DeSantis a son style mais c’est aussi un politicien de carrière, un peu à l’ancienne, bien inséré dans l’appareil du parti républicain et les institutions de Washington. La complexité du personnage est apparue au fil des derniers mois alors qu’il précisait certaines de ses positions, révélant ainsi les fragilités de sa candidature. En mars, il appelait à limiter le soutien américain à l’Ukraine, qualifiant la guerre « de dispute territoriale » pouvant distraire « des problèmes les plus importants du pays ». En contradiction avec des positions passées plutôt interventionnistes, le candidat putatif cherchait à adresser quelques signaux à une base républicaine tentée par l’isolationnisme et lassée du coût de l’aide à l’effort de guerre ukrainien. Devant les critiques et les pressions de certains élus, le gouverneur semblait se dédire quelques jours après, qualifiant Vladimir Poutine de « criminel de guerre ». Toutes ces volte-face rappelaient aux électeurs républicains l’élasticité idéologique et l’opportunisme de l’establishment politique. Depuis plusieurs mois, son étoile a pour le moins pâli. Distancé par Trump, il plafonne à 20% quand son principal rival caracole en tête à 49%.

Trump met les rieurs de son côté

Trump s’est engouffré dans la brèche et n’a pas tardé à l’affubler de surnoms ridicules : « DeSentancieux » (« deSanctiomonious ») ou Bolognaise (« Meatballs »). Dernièrement, il lui a aussi prescrit « une greffe de personnalité ». La rupture est brutale alors que DeSantis affichait son soutien indéfectible à Trump en 2018 pour le poste de gouverneur de Floride. Dans un ancien clip de campagne étonnant [2], on voit son épouse confier face caméra combien « Ron aime jouer avec les enfants » alors qu’il empile des briques en mousse avec son fils pour lui apprendre à « construire un mur » – référence à la promesse de Donald Trump d’ériger un mur défensif entre les États-Unis et le Mexique.

Quel regard le public français doit-il porter sur cette candidature ? Si Ron DeSantis tient la dragée haute à la révolution woke dans la guerre culturelle qui s’annonce et menace la concorde civile américaine, son classicisme en matière de politique étrangère parait intact. Sa présidence pourrait renvoyer le parti républicain et la diplomatie américaine directement aux années Bush et à sa folie des grandeurs géopolitiques.

L’Europe, la France et le monde ont-ils besoin d’un retour des faucons à la Maison Blanche ?  


[1] https://twitter.com/ramchrisali/status/1661497810511069185

[2] https://www.youtube.com/watch?v=z1YP_zZJFXs




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