Le jour même de l’adoption définitive du projet de loi Taubira instaurant le mariage et l’adoption pour tous, le conseiller régional d’Ile-de-France Jean-Luc Romero a accusé François Fillon de s’être opposé à la « dépénalisation de l’homosexualité » en 1982. Une fable devenue vérité incontestable et reprise mot pour mot par Jean- Luc Mélenchon dans son one man show du 25 avril sur France 2.
Armons-nous de notre Dalloz et rembobinons la cassette de l’Histoire. L’homosexualité n’est plus pénalisée en France depuis… 1791. Dès lors, si la répression des comportements sexuels minoritaires a pu s’exercer par des voies détournées (atteinte à la pudeur…), la justice française ne condamne plus l’homosexualité en tant que telle.[access capability= »lire_inedits »] Une loi de 1863 fixe ainsi la majorité sexuelle à 13 ans, sans distinction aucune.
À l’été 1942, le gouvernement de Vichy édicte une ordonnance discriminatoire qui pénalise les relations homosexuelles avec un mineur de 13 à 21 ans.
Si la majorité (hétéro)sexuelle est relevée à 15 ans à la Libération, le texte de Vichy se voit repris en 1945 par le Code pénal, dont l’article 331 sanctionne les « actes impudiques ou contre nature commis avec un mineur du même sexe ». De 1945 à 1982, la discrimination porte donc sur l’âge auquel les relations sexuelles ne relèvent plus de la loi pénale (15 ans pour les hétéros, 21 ans, puis 18 ans pour les homos).
Il faudra attendre l’arrivée de Mitterrand à l’Élysée pour que le législateur aligne la majorité sexuelle « homo » sur l’hétéro : 15 ans pour tous en juillet 1982[1. Pour un exposé exhaustif, lire Les Alinéas au
placard, Antoine Idier, Cartouche, 2013. Que l’auteur et son éditeur Emmanuel Pierrat soient remerciés pour leur éclairage juridique.] ! Lorsque le député Fillon vota contre cette réforme (ce qui n’était ni très malin, ni très grave), son camarade Jean-Luc Romero, alors militant RPR dans la très droitière fédération gaulliste de Seine-Saint-Denis, ne cilla pas. Aujourd’hui passé avec armes et bagages au Parti radical de gauche, Romero reprend à son compte le mythe de la « dépénalisation de l’homosexualité en 1982 » : et cette contre-vérité apparaît jusque dans l’exposé des motifs de la loi Taubira !
À sa décharge, reconnaissons que JLR coche aujourd’hui toutes les bonnes cases progressistes : fervent partisan de la procréation médicalement assistée, avocat de la dépénalisation du cannabis et infatigable prêcheur du « droit à mourir dans la dignité », plus pudiquement appelé euthanasie. Pourquoi s’arrêterait-il en si bon chemin ? Le rétablissement du délit d’opinion pourrait être la prochaine avancée sociétale « pour tous ». On n’arrête pas l’homme de progrès ![/access]
*Photo : itélé.
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