Rome, l’envers du décor


Il est des expositions attrape-nigauds ou attrape-touristes, ce qui revient à peu près toujours au même. Des tableaux vus et cent fois revus alignés à la hâte dans trois ou quatre salles pompeuses.

« Les Bas-Fonds du Baroque », au Petit Palais, est exactement l’inverse. Le coup de génie des commissaires ? Avoir mis les mains dans le cambouis de l’art pour en extraire des pépites d’or. Des esquisses anonymes aux maîtres Sweerts, Van Laer ou Valentin de Boulogne, c’est une plongée dans tout ce que Rome, dans le premier XVIIème siècle, comptait de subversif, d’interdit et de dérangeant, à mille lieues du faste des palais et des images d’Épinal.

Les sanguines des filous des faubourgs donnent, dans les recoins des premières salles, la désagréable impression de se trouver nez à nez avec eux dans les cloaques romains. Les sourires démoniaques de diseuses de bonne aventure, moins édentées que leurs clients, bruissent derrière notre dos alors qu’on s’attarde sur les lumières sublimes et délicates du « Concert avec trois musiciens » de Van Honthorst. Le talent du peintre, à certains moments, paraît même trop grand pour ce qu’il représente. C’est un pied-de-nez à la peinture platonicienne, aux corps marmoréens cerclés d’or: l’humanité, la vraie, est offerte dans l’écrin qui lui revient. Les mendiants adressent au visiteur de vagues gestes obscènes, les jeunes gens des tavernes ont le vin triste, Vénus est un homme et pose, lascif, avec un chat…

Ambivalence, malice, étrangeté et mélancolie, c’est à cela, aussi, que ressemblait Rome.

« Les Bas-fonds du Baroque, la Rome du vice et de la misère », Paris, Petit Palais, du 24 février au 24 mai



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étudie la sophistique de Protagoras à Heidegger. Elle a publié début 2015 un récit chez L'Editeur, Une Liaison dangereuse.

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