Romain Gary de A à N


Romain Gary de A à N

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Romain Gary est né en 1914, comme Luis Mariano, Louis de Funès et la Première guerre mondiale. Pour commémorer ce centenaire l’actualité éditoriale est riche. Gallimard présente au public le premier roman de Gary, écrit à 19 ans et refusé alors par tous les éditeurs : Le vin des morts ; un inédit loufoque et un peu foutraque inspiré par Céline et les surréalistes, dans lequel on peut déjà entendre la petite musique des textes qu’il signera Ajar à la fin de sa vie. Les éditions de l’Herne proposent deux recueils Une petite femme & Un soir avec Kennedy composés de textes courts (articles, nouvelles, etc.), d’intérêts inégaux, qui raviront cependant les inconditionnels. Quel auteur a écrit des romans remarquables en français et en anglais, sans qu’aucun de ces idiomes ne soit sa langue natale ? Quel écrivain a été aviateur, diplomate, journaliste, cinéaste – tout en restant crédible en tout, et génial en littérature ? Qui a eu deux fois le Prix Goncourt ? Seulement deux fois ?… ajouteront les esprits facétieux… Revenons sur Gary, de A à Z.

Aviateur. Dans la famille des écrivains-aviateurs on connaît l’inévitable Saint-Exupéry, on connait moins Romain Gary. Pourtant l’auteur des Mangeurs d’étoiles a été un héros de guerre, et s’est distingué dans de nombreux combats aériens durant la Seconde guerre mondiale. Après avoir appris à piloter à  la fin des années 30 durant son Service militaire, l’écrivain s’engage en 1940 dans les Forces aériennes françaises libres. Il sert dans toute une série de missions en méditerranée, puis intègre le Groupe Lorraine en tant que « bombardier ». Son héroïsme lui vaudra le titre de « Compagnon de la Libération ». Durant cette période Romain Gary écrira Education européenne, roman de formation puissant évoquant les péripéties vécues par un adolescent polonais en plein conflit mondial – qui découvre l’amour et la fidélité au contact de partisans en lutte contre les nazis. Ce sera le premier roman publié de Gary, à la toute fin de la guerre. L’écrivain sera, toute sa vie durant, hanté par cette période ; dans La nuit sera calme (1974) il dira que dans ses cauchemars il voit souvent revenir de missions ses camarades aviateurs morts au combat. Gary ne cessera de vivre entouré de fantômes…

Caméléon. Gary, qui arrivait à s’inscrire dans les horizons culturels les plus divers (il a mis peu de temps à devenir plus français qu’un français, et encore moins à devenir un écrivain américain plus sombre et plus lucide sur l’Amérique qu’un auteur local), se voyait comme un caméléon, cet inénarrable saurien connu pour sa queue préhensile et son aptitude à se camoufler en changeant de couleur de peau. Le romancier raconte cette blague dans son vrai-faux livre d’entretiens La nuit sera calme : « Il y avait une fois un caméléon, on l’a mis sur du vert et il est devenu vert, on l’a mis sur du bleu et il est devenu bleu (…) et puis on l’a mis sur un plaid écossais et le caméléon a éclaté » Il terminait parfait l’histoire en disant que le caméléon devenait fou. De là à en tirer des conclusions pour lui-même…

Cinéma. Par on ne sait trop quelle tendance regrettable les écrivains se jettent bien trop souvent à corps perdu dans des aventures cinématographiques qui s’apparentent à des naufrages. Certes, il y a des exceptions (Cocteau par exemple), mais les catastrophes sont légion, du Jour et la nuit de BHL à La possibilité d’une île de Houellebecq… Romain Gary, marié à l’actrice américaine Jean Seberg, n’a pas échappé à cet obscur désir d’écran noir… Il réalise deux films, étrillés par la critique unanime qui les a accueillis comme des curiosités parfaitement dispensables : Les oiseaux vont mourir au Pérou (1968) et Kill ! (1972). Le premier étant l’adaptation de la Nouvelle éponyme, le second se base sur un  scénario original évoquant la lutte contre les trafics internationaux de drogue. Le romancier ne réitérera pas l’expérience. On sait par ailleurs qu’il s’est essayé tardivement à la peinture. Pour finir par se débarrasser de toutes ses toiles avec fracas… Il fera passer toutes ses meilleures images par les mots.

Éléphants. Comme nous l’avons vu il y a du caméléon dans le Romain Gary, mais il y a aussi de l’éléphant. On trouve les éléphants essentiellement dans Les racines du ciel (1956) où ils font l’objet de toutes les attentions du personnage idéaliste Morel qui se met en tête de les protéger. Sur fond politique de chute prochaine de l’ « Empire » en Afrique équatoriale française, les chers éléphants de Morel, qu’il défend contre l’exploitation cruelle dont ils font l’objet par les autorités, sont aussi les symboles encombrants, paradoxalement fragiles, de vieilles idées en voie de disparition comme la fidélité ou l’honneur. A la fois roman « écolo » (la défense de la nature est un thème qui traverse toute l’œuvre de Gary), fable désabusée sur l’homme et roman d’aventure haletant (qui sera adapté au cinéma par  John Huston…) Les Racines du ciel avait inspiré ces quelques lignes à Alexandre Vialatte dans une chronique… « L’éléphant est mythologique. L’homme est plein d’éléphants. L’éléphant habite l’homme. Il a hanté tous les dessinateurs, tous les écrivains, tous les peintres. (…) L’éléphant se compose en gros d’une trompe, qui lui sert à se doucher, d’ivoire, dont on tire des statuettes, et de quatre pieds dont on tire des porte-parapluies. Dieu l’a fait gris, dit Bernardin de Saint-Pierre, pour qu’on ne le confonde pas avec la fraise des bois. » Morel aimait tant les éléphants qu’il eût voulu en être un. Ce premier chef d’œuvre lui vaut son premier Prix Goncourt.

Nice. On dit abusivement que Romain Gary et sa mère Mina ont quitté la Russie en 1928 pour s’installer en France. Ils ne se sont pas installés en France, mais à Nice, ce qui fait une grande différence. C’est sous le soleil des Alpes-Maritimes, et les pieds dans la mer méditerranée que le jeune Gary va vivre son adolescence. Mina tient un modeste petit hôtel, tandis que Romain fait ses études au lycée Masséna de Nice (qui compte parmi ses anciens élèves Apollinaire et Joseph Kessel). C’est une période bénie où – dans l’ombre de sa mère – le petit Russe découvre la vie occidentale, les femmes, cette culture française qu’il adoptera avec passion, et bientôt l’écriture… C’est dans La Promesse de l’aube (1960) que Romain Gary rendra compte, avec une grande délicatesse autobiographique, de ces années d’adolescence niçoise auprès d’une mère aimante et terriblement exigeante, qui souhaitait que son fils devienne un grand écrivain français ou un grand diplomate. Il sera les deux. Dans une page très célèbre de ce récit Gary confie : « Avec l’amour maternel, la vie vous fait, à l’aube, une promesse qu’elle ne tient jamais. Chaque fois qu’une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. » Parmi les réjouissances du centenaire de la naissance de Gary il est à noter la publication chez Gallimard/Futuropolis d’un album somptueux consacré à La promesse de l’aube, illustré par Joann Sfar.

*Photo : ANDERSEN ULF/SIPA. SIPAUSA30061912_000006.



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Il est l’auteur de L’eugénisme de Platon (L’Harmattan, 2002) et a participé à l’écriture du "Dictionnaire Molière" (à paraître - collection Bouquin) ainsi qu’à un ouvrage collectif consacré à Philippe Muray.

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