Un billet qui en fera tousser plus d’un
Le gouvernement, sans doute bien intentionné, prend des mesures de plus en plus drastiques en vue de protéger les personnes les plus vulnérables – celles souffrant de pathologies sévères et celles qui ont atteint la limite au-delà de laquelle leur ticket n’est plus valable. Un beau geste de solidarité, apprécié par les âmes charitables. Encore faut-il que ces mesures soient efficaces. Ne préjugeons de rien. À la fin du match, on aura tout loisir de commenter les stratégies mises en œuvre.
Il est pourtant une question que personne ne se pose vraiment : les vieillards et les handicapés souhaitent-ils vraiment tous qu’on prolonge leur calvaire ? À titre personnel (je précise que j’ai près de quatre-vingt ans), je réponds : non. Et je sais que je ne suis pas le seul. Entre la réanimation et le cocktail létal, je choisis sans hésitation la mixture qui m’enverra ad patres. En accord avec Sènèque, je dirais que « ce qui est un bien, ce n’est pas de vivre, mais de vivre bien. » « Faut-il quitter la vie ? », s’interrogeait l’empereur philosophe Marc-Aurèle. Il importe de se poser la question avant que la vieillesse n’obscurcisse la pensée, répondait-il… À quoi bon allonger une vie qui doit de toute manière aboutir à une triste fin, alors que l’on a compris, pour paraphraser l’Écclésiate, que tout ne passe que pour revenir. Vivre n’est pas seulement douloureux, c’est vain. Certes, chacun se fuit toujours… mais à quoi bon, si l’on n’échappe pas à soi ?
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Une intégrité physique et mentale nous donne un élan vital susceptible de nous procurer bien des plaisirs et de nous éviter ce genre de questions. Mais l’heure sonne vite où il n’est plus possible de les esquiver. Et dans des situations d’urgence comme celle que
nous vivons – il y en eut de bien pires dans le passé -, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que les sacrifices auxquels consentent les citoyens et le corps médical n’ont de sens que si celles et ceux qui sont pris en charge le veulent vraiment. Leur offrir la possibilité de mourir en douceur, sans prolonger leur agonie, me semble tout aussi charitable. Sinon plus. Et raisonnable pour chacun, de surcroît.
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