A l’occasion des cinquante ans de la mort de Nimier, La Table Ronde réédite deux courts textes historiques : Le palais de l’ogre qui retrace l’histoire du château de Versailles, et Histoire d’une reine morte, portrait de Marie-Antoinette.
Lorsque François Billetdoux demande à Roger Nimier : « Êtes-vous historien par nécessité ou par conjoncture ? » Celui-ci répond, modeste : « C’est rassurant. C’est passé. C’est vrai. Il n’y a rien de mieux à demander. »
Pourtant le moins que l’on puisse dire, c’est que le Versailles de Nimier n’est pas rassurant. Il n’est même pas vrai. Quand Nimier se plonge dans le passé, c’est d’abord à toute vitesse, bondissant de détails en détails, énumérant les noms et les œuvres. Puis brusquement, il prend son élan, s’appuie sur le décor et construit un univers de conte de fées. « Il existe de beaux jardins à travers le monde, mais ils sont véritables. Celui-ci est parfaitement mythologique ». Versailles, ou le palais de l’ogre, Louis XIV dont le père est parti trop tôt – comme celui de Nimier nous explique Sébastien Lapaque dans sa préface. L’ogre, c’est la Révolution, c’est Napoléon, c’est l’Histoire de France telle qu’on ne l’apprend plus : une succession de grands hommes, qui ont favorisé ce qui est beau et ce qui est noble. Roger Nimier se fait chroniqueur et par là s’approprie le passé car comme il le dit lui-même : « les chroniqueurs et les historiens sont les propriétaires de l’Histoire. » Dans ce texte bref, il tente d’approcher la grandeur d’un homme « dont la statue réelle n’est pas le buste de Bernin ou le bas-relief de Coysevox, mais, comme un gisant, le château tout entier. » Cet homme est aussi symbole d’une époque et donc contrepoint pour en critiquer une autre : ce sera le XIXème de Napoléon mais aussi le XXème siècle de l’auteur où le confort bourgeois a pris le pas sur la contraignante étiquette. Nimier cite les adversaires de la monarchie : Voltaire, Michelet et Saint-Simon bien sûr ; mais il écrit : « J’entends ce mot sortir des entrailles de l’ancienne France, mot tendre, d’accent profond : « Mon roi ! » »
Si Nimier parle si longuement de Louis XIV, ce n’est que pour souligner sa présence inaltérable dans Versailles. L’auteur ne flâne pas mais remonte les siècles sans reprendre son souffle, à l’image de ses phrases longues et précises.
Cette nouvelle édition offre une préface érudite de Sébastien Lapaque dont la douceur poétique prépare le lecteur à la puissance métaphorique de l’univers dans lequel il va entrer. Mais surtout, elle accompagne Le palais de l’ogre d’un court texte publié en 1955 au Nouveau Femina.
Histoire d’une reine morte est une apologie de Marie-Antoinette, une biographie comme une Vie de Sainte. Plein d’une empathie qui dénote avec l’admiration retenue qu’il portait au Roi, ce texte présente la Reine comme une héroïne tragique, victime des haines injustes et de l’incompréhension de tous. Il offre une autre facette du royalisme de Nimier, un royalisme dandy et enfantin qui voit dans la Reine une mère.
Le choix qu’a fait la Table Ronde en ce cinquantième anniversaire de la mort de Roger Nimier est élégant, il présente un érudit, un poète et un homme sensible et complexe. On le lira d’une traite, puis plus lentement cet été, en attendant le Cahier de L’Herne qui dissèquera une œuvre qu’il est souvent bon d’effleurer.
Roger Nimier, Le palais de l’ogre, La Table Ronde, 2012.
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