De Robert Redeker à Samuel Paty, la longue trahison de l’Education Nationale confrontée à l’islamo-gauchisme
On parle trop peu de Robert Redeker, à tous points de vue. Parce que son travail de philosophe est remarquable : son dernier opus, « Les Sentinelles d’humanité », est un chef-d’œuvre d’intelligence et de profondeur. Le lire, c’est semer en nous des graines pour « quitter cette vie en créatures plus hautes que nous n’y étions entrés » – il y a du Soljenitsyne chez Redeker. Mais aussi parce qu’il a été un lanceur d’alerte d’un grand courage, en a payé le prix fort, et que nous n’avons tiré aucune leçon de son histoire. Si nous l’avions fait, Samuel Paty serait encore en vie et Mila n’aurait pas dû être déscolarisée, prisonnière dans son propre pays.
Je croyais savoir ce qui s’était passé, mais je ne le mesurais pas. Le 19 septembre 2006, Robert Redeker a publié un texte, qu’il avait appelé « Le monde libre sous l’œil du Coran », qui lui a valu d’être menacé de mort par les islamistes, désigné à leur haine par Al-Qaradawi en personne, consciencieusement enfoncé par ce que l’on n’appelait pas encore l’islamo-gauchisme – Baubérot notamment, ce père spirituel sans esprit de feu l’Observatoire de la Laïcité, se distinguant par des sommets de veulerie, de fourberie et de malfaisance – et de devoir quitter son foyer, s’exiler de refuge temporaire en refuge temporaire, inquiet pour les siens, blessé des mille trahisons de l’éducation nationale et de ses collègues – il était professeur de philosophie – sous protection et en danger.
#JeSuisRobertRedeker
Je viens de lire son témoignage, Il faut tenter de vivre, et de la même manière que je peux dire #JeSuisCharlie et #JeSuisMila, je veux l’affirmer haut et fort, même après 15 ans : #JeSuisRobertRedeker. Et je remercie ceux qui l’ont soutenu, et j’assure de ma haine ceux qui l’ont poignardé dans le dos. Ni oubli, ni pardon.
L’histoire a 15 ans, elle pourrait dater d’hier. Et cela, en soi, devrait nous révolter. Pas nous indigner vaguement, ou susciter un hashtag sur Twitter : nous faire descendre dans la rue pour hurler notre rage et exiger la condamnation de tous ceux qui auraient pu et auraient dû agir, mais n’ont rien fait.
A lire aussi: Didier Lemaire: qui a tué Samuel Paty ?
Le livre collectif dirigé par Georges Bensoussan Les Territoires perdus de la République – antisémitisme, racisme et sexisme en milieu scolaire » date de 2002. Le rapport de Jean-Pierre Obin « Les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires » de 2004. Et voilà qu’en 2006, Robert Redeker se retrouvait confronté à l’hostilité généralisée du monde enseignant pour avoir dit la vérité au sujet de l’islam et de l’islamisme. Ravages de la domination gauchiste en salle des professeurs !
Les profs solidaires mais…
Car il ne faut pas s’y tromper : des personnalités de gauche l’ont soutenu, par exemple Caroline Fourest qui se montra admirable, mais c’est bien l’imprégnation du gauchisme dans la corporation enseignante qui fut la racine du mal, de ce « je condamne bien sûr les menaces de mort, MAIS…. » Mais il n’aurait pas dû écrire ce qu’il a écrit, ou pas comme ça, ou le devoir de réserve, ou la stigmatisation, le padamalgam, l’antiracisme, la cause palestinienne, ou que sais-je : mais, mais, mais, toujours ce « mais » qui n’a d’autre but que d’expliquer que ceux qui critiquent l’islam sont les vrais coupables, et que ceux qui appellent à tuer au nom de la « religion de paix et de tolérance » sont les victimes de « l’islamophobie », du « racisme », du « sionisme », et j’en passe. C’est bien connu, seuls l’islam et les musulmans sont innocents des crimes commis au nom de l’islam, c’est le reste du monde qui en est coupable.
Et en 2020, que sait-on des derniers jours de Samuel Paty ? Le même abandon par une administration pleutre, la même réprobation de collègues du même bord idéologique que ceux qui se pinçaient le nez devant Robert Redeker, les mêmes arguments ineptes et la même inversion accusatoire de la part des mêmes « intellectuels » qui ont condamné son assassinat MAIS…. Hier Baubérot, Burgat, le MRAP, la LDH, l’Humanité, aujourd’hui Khosrokhavar, Médiapart, toujours Baubérot et Burgat, et les ambigus et les hypocrites…. Rien n’a changé. Rien.
Institution structurellement complaisante
Qu’ont donc fait pendant 15 ans les syndicats, les ministres, les gouvernements, les profs, les parents d’élèves ? Et qu’on ne vienne pas me dire que les rémunérations insuffisantes des enseignants sont la cause du problème : Les Territoires perdus évoque une situation qui en 2002 ne venait pas d’apparaître, et à l’époque on ne recrutait pas encore des profs de maths à peine capables de faire les exercices qu’ils sont censés donner à leurs élèves.
À quelle institution structurellement complaisante envers l’horreur la République nous contraint-elle de confier nos enfants chaque jour ? À côté d’enseignants admirables comme un bon nombre de ceux que j’ai eu la chance d’avoir dans ma jeunesse, comme Robert Redeker ou Samuel Paty, comme Souâd Ayada, Jean-Paul Brighelli, Fatiha Boudjahlat ou François-Xavier Bellamy, qui incarnent la noblesse d’un engagement et d’un métier, combien de ces commissaires politiques staliniens de la salle des profs, combien de lâches adeptes du « pas de vague », combien de médiocres incapables de s’élever au-dessus de la mélasse du prêt-à-penser politiquement correct ?
A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Tous censeurs!
Instruire les générations naissantes est la clef de l’avenir. L’école républicaine fut l’une des plus belles réussites de la France, elle est aujourd’hui l’un des principaux artisans de son effondrement. Espérons que le think-tank annoncé par Jean-Michel Blanquer puisse avoir des effets concrets – même si compte-tenu du calendrier électoral et de la complaisance de la macronie envers le « progressisme », l’heure est tardive. Espérons que de futurs gouvernements auront le sens de leurs responsabilités et prendront enfin le problème à bras le corps. Mais n’attendons pas, et ne comptons pas sur une institution faillie pour enseigner l’essentiel à nos enfants. Et je ne parle pas seulement du passé simple, du subjonctif et des problèmes de baignoires qui débordent et de trains qui se croisent, je parle de ce qui leur permettra d’être des hommes et des femmes debout plutôt qu’à genoux, et des Français fiers de leur culture plutôt que des déshérités sans racines.
C’est une transmission qui est l’affaire de tous, par les connaissances et plus encore par l’exemple que nous pouvons en donner. La dignité humaine, et les libertés de conscience, de pensée et d’expression ne disparaissent que si nous arrêtons de les revendiquer. N’y renonçons jamais : nous n’avons pas de plus impérieux devoir que de les transmettre à ceux qui viendront après nous, et de préparer nos successeurs à recevoir ce trésor incomparable.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !