Pour les médias et les partis de gouvernement, Jean-Marie Le Pen était le diable de la République. Son goût du scandale et ses fréquentations douteuses l’ont campé dans ce rôle. Pourtant, pendant soixante ans de vie politique, par son histoire personnelle, son verbe et sa culture, il a été la voix de la France périphérique.
J’étais des manifs anti-Le Pen de 2002. Je me souviens encore de ma fille Clara dans sa poussette rouge. Dehors, la République en danger frémissait dans une kermesse multicolore. De la joie, de l’exaltation. Vivre l’Histoire en direct. On était un peu Lamartine en 1848. Ou Jules Vallès en 1870. Ce fut l’acmé du « barrage », du front républicain, du camp du Bien.
C’était une vague. Une immense vague qui déferlait sur la France. L’entre-deux-tours, le « fascisme à nos portes » et tout un immense barnum médiatico-psychologique. La menace du grand blond avec une chemise noire.

Antifascisme de théâtre
Tous nos copains étaient là. Je dirigeais Reporters sans frontières. Autant vous dire que l’« extrême droite » y comptait peu de sympathisants… Emmanuelle [Ménard, son épouse, NDLR] était responsable « Afrique et justice internationale » à la FIDH, la Fédération des ligues des droits de l’homme, pas vraiment un repère de « fachos » ! Nous avions voté au premier tour pour François Bayrou. Nous nous apprêtions à glisser un bulletin Chirac pour le second. Nous résistions !
Et pourtant, dans nos têtes, quelque chose clochait. Emmanuelle
