À mi-parcours de son deuxième mandat à la mairie de Béziers, Robert Ménard dresse un bilan d’étape. Si sa ville est devenue plus dynamique et plus sûre, il reconnaît être désarmé face à la pression islamique. Inquiet pour l’avenir du pays, il déplore que le président, qui a pourtant les mains libres, n’ait pas le courage de prendre les problèmes du pays à bras-le-corps… et prend date avec les Français.
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Parlons de votre bilan à Béziers, dont vous êtes le maire depuis près de dix ans. L’insécurité a-t-elle régressé ?
Oui, parce que j’ai mis sur la table des moyens colossaux. Mais est-ce aux communes de payer des polices municipales de plus en plus nombreuses et de mieux en mieux équipées ? Les représentants de l’État et du gouvernement n’ont que le mot « régalien » à la bouche. Ils nous expliquent que les grands enjeux, c’est leur rayon et que les maires n’ont qu’à s’occuper des crottes de chien. Eh bien, qu’ils commencent par garantir la sécurité de nos concitoyens ! L’État a, presque en « loucedé », refilé tout un tas de bébés aux maires, mais sans nous donner les moyens afférents.
Au-delà de la délinquance, parfois mêlé à elle, il y a le séparatisme culturel. Observez-vous sur ce front une aggravation ou une amélioration ?
Malheureusement, la réponse est évidente. On croise aujourd’hui des femmes habillées à l’afghane, des petites filles entièrement voilées qu’on ne voyait pas avant. Il y a quelques semaines, j’ai rappelé la loi à une jeune fille dont le visage était entièrement masqué et le corps couvert intégralement, mains comprises. Je lui ai demandé de se découvrir, ce qu’elle a fait.
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Toutes nos proclamations de « nous ne céderons pas » sont donc inutiles ?
Je me sens désarmé. Dans l’immense majorité des cas, ces filles voilées ou masquées oscillent entre affirmation identitaire et communautarisme exacerbé en haine de l’autre. Je sais remettre une ville en état, mener une politique sociale. L’État viendra à bout du terrorisme. Mais on ne sait pas changer ce qu’il y a dans la tête des gens. De plus, on l’oublie trop souvent, le changement technologique contribue aux radicalisations identitaires. Avec internet, les immigrés peuvent conserver un contact permanent avec leur culture d’origine et sont « cadenassés » par les algorithmes qui les maintiennent dans leur communauté. Nous ne savons pas forcément lutter contre une certaine séduction, l’attrait d’un monde arabe parfois puissant, souvent fantasmé, comme l’Arabie saoudite, par exemple, qui achète les stars du foot, envisage de construire une ville géante ultra-moderne, etc. En face, il faudrait renouer avec la fierté d’appartenir à cette France millénaire, à cette patrie de la liberté. Mais cela nécessite une volonté, une immense ambition.
Il faut commencer par interrompre les flux…
Oui, en tout cas les réduire au strict minimum car l’immigration zéro n’est qu’un slogan. Encore faut-il intégrer ceux qui sont là. L’Éducation nationale a longtemps cherché à m’imposer l’enseignement des langues d’origine, en l’espèce l’arabe et le turc, dans les petites classes. J’ai toujours refusé et ils ont arrêté de me casser les pieds avec ça. En revanche, dans les quartiers difficiles où il y a parfois plus de 90 % d’enfants d’origine étrangère, j’ai mis en place des cours du soir de français.
On peut aussi se battre sur des comportements : refuser les tenues islamiques à l’école par exemple.
Voilà pourquoi mon épouse Emmanuelle a déposé une proposition de loi pour instaurer l’uniforme à l’école. Des syndicats d’enseignants et des associations de parents d’élèves braillent, expliquant que ça ne réglera pas tous les problèmes. Réglons déjà celui des tenues ! J’ai donc écrit à Gabriel Attal pour le prendre au mot et lancer une expérimentation.
On demande aux communes de faire du logement social, mais les habitants ne veulent pas forcément de mixité. Est-ce un instrument politique efficace ?
Bien sûr qu’il faut construire des logements sociaux, mais si les gens ne veulent pas se mélanger, ce n’est pas les HLM qui vont fabriquer de l’intégration. Des cités entières ne sont peuplées que de gitans parce que ces gitans-là ne veulent vivre qu’avec d’autres gitans. On a le plus grand mal à mélanger des Maghrébins et des Turcs dans les mêmes cages d’escalier. Quand des gens issus de l’immigration viennent me demander des logements, ils commencent souvent par préciser qu’ils ne veulent pas de tel ou tel quartier, parfois d’ailleurs parce qu’il y a trop de gens de la même origine qu’eux… De même, devant les écoles, je suis fréquemment interpellé par les mamans maghrébines qui me demandent : « Où sont les petits Français ? » La clef, c’est le nombre. On peut intégrer des minorités, pas des groupes qui représentent 60, 70 ou 80 % de la population de telle école ou de tel quartier.
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Du point de vue d’un maire, la « machine France » fonctionne-t-elle ?
Cela dépend des interlocuteurs que l’on a. J’ai connu une période où le préfet et le sous-préfet me menaient une guerre politique permanente. Aujourd’hui, j’ai un préfet et un sous-préfet qui font leur métier, donc qui m’aident. Comme Michel Houellebecq, « je crois de moins en moins aux idées, je crois aux gens ». En réalité, la France ne fonctionne pas si mal que ça, il ne faut pas tomber dans le sombre panneau décliniste.
Vous qui prônez la bienveillance, avez eu des propos très violents, et à mon sens très injustes, à l’encontre d’Éric Zemmour. Regrettez-vous de l’avoir blessé et anéanti votre amitié ?
Évidemment ! Il y a des mots que je n’aurais pas dû prononcer. Être ironique et méchant, c’est facile et les gens applaudissent. Alors oui, même si j’ai de profonds désaccords avec Éric, j’aurais dû avoir avec lui un débat amical. Le problème, c’est qu’il est désormais prisonnier d’une sorte de fan-club catho-droitard qui ne lui laisse guère d’espoir de rassemblement.
Et vous, appartenez-vous à une famille politique ?
Sûrement pas et je ne le veux pas. Certains parleront de poujadisme, mais je pense que les partis politiques sont un problème en France. Comme les médias d’ailleurs. Politiquement, notre système fait qu’on se rallie non pas à un parti, mais à une personne. Et je ne vois pas à qui je pourrais me rallier aujourd’hui. Disons pour vous faire plaisir que je suis un démocrate attaché à un pouvoir plus proche des gens, plus respectueux des cultures locales et de la diversité française. Une sorte de fédéraliste un peu punk. Comme disait Romain Gary, « un minoritaire-né ».
Si je peux jouer les idiotes, en quoi les médias sont-ils un problème ?
Ils passent leur temps à dénoncer tous ceux qui ne sont pas mainstream. Regardez le boucan autour du JDD ! Je ne partage pas forcément les idées de Geoffroy Lejeune, mais ce n’est pas un facho dangereux. Or, il y a eu quasi-unanimité des autres médias pour dire que son arrivée menaçait le pluralisme. Même Reporters sans Frontières a fait chorus : mais de quoi je me mêle ? Alors que, a contrario, les propos d’Edwy Plenel ne sont jamais questionnés.
En refusant toute affiliation politique, vous préservez votre liberté. Mais le prix à payer n’est-il pas une certaine solitude ?
Il est vrai que, quand je côtoie les états-majors politiques, je me sens seul, mais je reçois aussi beaucoup de soutiens et pas seulement dans ma ville. Alors, peut-être ma solitude est-elle une bonne chose. Les gens veulent du bon sens.
Le bon sens n’est pas une politique !
Et pourquoi donc ?
Parce que nous avons aussi besoin d’une vision, d’un récit, d’un roman national. Nous ne sommes pas ensemble simplement pour produire des richesses.
Mais on crève de ça ! Ça vous fait certainement plaisir d’avoir un chef de l’État qui lit des philosophes, mais ça ne sert à rien. On a besoin de gens qui ne promettent pas de tout régler, mais s’attaquent modestement à deux ou trois questions et s’y consacrent corps et âme.
Aujourd’hui, même les chansons de Michel Sardou sont devenues un enjeu de querelles…
Cette polémique en dit long sur l’état de la société. La jeune chanteuse qui exprime son dégoût des Lacs du Connemara est représentative d’une certaine jeunesse qui déteste tout ce qui est français et populaire. Ça doit lui sembler « sale ». Le tube de Sardou, comme les chansons de Claude François, est repris dans tout le pays depuis quarante ans, des bals de village aux soirées de mariage en passant par les communions ou les fêtes de promo. C’est cette popularité qui les rend jaloux. Et Sardou est la cible parfaite : gaulois ronchon, mâle hétéro, pas vraiment de gauche…
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Que pensez-vous de « tendresse » affichée des écolos pour le rappeur Médine ?
Soyons clairs : les Verts ont raison d’alerter sur le catastrophique changement climatique. Mais les extrémistes écolos sont dangereux, car ils veulent une véritable rupture anthropologique. Avec eux, c’est le retour au Néolithique. Et encore, ça doit leur sembler trop polluant. Quant à l’invitation faite à Médine, drôle d’idée politique, reprise d’ailleurs par LFI ; ce type, qui semble loin d’être idiot, est hors des clous. Son tweet sur Rachel Khan est sans conteste possible une saloperie antisémite digne d’un Soral. Et certains de ses clips sont plutôt inquiétants, comme celui où il dit sa détestation de notre République et de Marianne. L’extrême gauche française, dont font partie les écologistes, a le plus grand mal à rompre avec les pratiques clientélistes qu’elle dénonce pourtant chez ses adversaires. Ici, c’est tout simplement du racolage électoral !
Darmanin pense à 2027, et vous ?
Il y a la force du destin. On ne peut pas exclure une crise de grande ampleur qui frapperait soudain notre pays. Quelque chose d’incontrôlable. Dans une situation de ce genre, en tant que patriote, je répondrais présent. La situation de 2027 est préoccupante : qui pour succéder à Macron ? Quand j’entends les propos capitulards, munichois, d’un Sarkozy et le peu de réactions à droite, je me pose des questions. Je ne laisserai pas mon pays plonger dans l’inconnu. Et s’il faut mouiller la chemise…