J’ai rencontré Hossein deux ou trois fois. C’était en 1987, il montait Kean, de Sartre et Alexandre Dumas, au théâtre Marigny. Nous avions eu l’idée, avec mes deux acolytes, Jean-Luc Rispail et Christian Biet, de proposer à Gallimard une nouvelle collection intelligente pour les jeunes, des textes de fiction ou de théâtre commentés par des personnalités contemporaines. Kean était une merveilleuse ouverture pour une telle collection, Pierre Marchand, qui dirigeait alors Gallimard-Jeunesse s’était enthousiasmé à l’idée. C’est ainsi que nous rencontrâmes Hossein.
Bien sûr, j’avais vu plusieurs pièces montées ou jouées par lui. À commencer par Pas d’orchidées pour Miss Blandish, le roman de James Hadley Chase adapté par Frédéric Dard, qui collaborait depuis longtemps avec Hossein : le metteur en scène y jouait l’abominable Slim Grisson, dans une esthétique très empruntée au cinéma, avec des « arrêts sur image » impressionnants.
Pas de quoi faire se pâmer les intellos du Monde. Michel Cournot descendit en flammes l’adaptation de Kean, qui marquait le grand retour de Belmondo sur les planches.
Le théâtre de Hossein a constamment déplu à ces critiques qui pensent aujourd’hui que Wajdi Mouawad est le sommet de l’art théâtral. Ses grandes machines historiques — le Danton et Robespierre par exemple, présenté au Palais des Congrès en 1979 — avec les acteurs disséminés dans la salle, interpellant tel protagoniste imprudemment monté sur scène, défrisaient les poils occultes des éminences littéraires.
Hossein en était peut-être blessé, mais il en avait pris son parti, et il se contentait d’être un metteur en scène immensément populaire, au meilleur sens du terme.
Comme il aimait être un acteur populaire, comme Belmondo a pu l’être lui aussi. Il aimait avoir été Geoffroy de Peyrac, balafré et sombre, dans la série des Angélique. Ou le voyou nonchalant du Repos du guerrier. Ou ce salopard de commissaire Rosen qui fomente des complots contre Belmondo, justement, dans le Professionnel.
La disparition de celui qui fut le compagnon de Marina Vlady quand elle était la Princesse de Clèves marque la fin d’une époque, où l’on pouvait aller au cinéma ou au théâtre sans se demander ce qu’en penseraient Libé ou Olivier Véran. Hossein était très beau tout en ayant une gueule, comme on dit. La voix légèrement embrumée, le regard noir et amical, la direction d’acteurs précise et efficace. En tous points, un grand bonhomme. Il ne manquait que ça à l’année 2020 pour être vraiment annus horribilis, comme disait jadis Elisabeth II.
PS. La collection finalement ne s’est pas montée. L’héritière de Sartre, Arlette Elkaïm, n’a pas souhaité que l’on prostitue un texte de son père adoptif dans une collection pour mômes. Pauvre petite crétine. Du coup, nous avons monté pour Gallimard la collection Découvertes, qui n’a pas mal marché, ma foi.
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