Aymeric Merlaud, candidat (RN) à la mairie de Maubeuge (Nord), a subi plusieurs manœuvres d’intimidation. Un fonctionnaire de la DGSI l’a même incité à freiner sa campagne dans cette ville aux réseaux islamistes chatouilleux.
C’est une histoire ahurissante, qui commence en novembre 2019. Aymeric Merlaud, 28 ans, ex-assistant parlementaire du député Rassemblement national Sébastien Chenu, est désigné tête de liste RN pour les municipales à Maubeuge (Nord).
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Un cap est franchi
Dès le début de sa campagne, sa permanence est taguée. Concernant le RN, c’est assez fréquent. Le 23, un palier est franchi. La vitrine de la permanence est fracassée. Aymeric Merlaud porte plainte. Il ne s’attendait pas à une campagne de tout repos, il est servi. La suite, en revanche, va le surprendre. Il reçoit un coup de fil d’une personne qui lui demande de se présenter le vendredi 26 novembre à 17 heures au ministère de l’Intérieur, rue des Saussaies. Aymeric Merlaud, qui ne peut pas s’y rendre, y envoie son directeur de campagne. Celui-ci est reçu au ministère par trois personnes. Elles refusent de se présenter. Leur but est seulement de transmettre un message. Il conviendrait qu’Aymeric Merlaud fasse campagne, mais pas trop, en particulier dans certaines cités, Maubeuge étant une ville sensible, avec des réseaux islamistes chatouilleux. Interloqué, le directeur de campagne ressort. Avant de quitter le ministère, toutefois, il a la présence d’esprit de demander à un secrétaire le mail de la personne qui vient de le recevoir, prétextant qu’il a oublié de le noter. Courtoisement, on lui donne le nom du commissaire D. B. Vérification faite, une personne de ce nom travaille effectivement à la DGSI, dont les locaux ne sont pas au ministère de l’Intérieur, mais dans un immeuble sécurisé, à Levallois-Perret.
Quelle histoire !
Dans les jours qui suivent, le domicile d’Aymeric Merlaud est visité, sans effraction visible. Les cambrioleurs n’emportent rien, sauf son passeport et le récépissé de son dépôt de plainte pour le bris de la vitrine de sa permanence. Un peu plus tard, il constate que sa box internet ne fonctionne plus. Le réparateur lui explique que sa liaison a été coupée au niveau d’un sous-répartiteur, c’est-à-dire à l’extérieur du domicile, dans une armoire contenant plusieurs fils. Rien n’indiquait lequel était celui du candidat RN. L’abonnement n’était même pas à son nom. Inquiet, Aymeric Merlaud demande conseil à Sébastien Chenu. Celui-ci est alors en campagne à Denain, non loin de Maubeuge. Il prend l’avis d’un spécialiste des questions de sécurité au Rassemblement national, qui diagnostique des manœuvres d’intimidation et prévient que la prochaine étape pourrait être le passage à tabac. Sébastien Chenu contacte alors Gérald Darmanin, avec qui il est en termes courtois. Le ministre du Budget prévient son homologue de l’Intérieur. Christophe Castaner rappelle Sébastien Chenu. Il lui assure ne pas être au courant, mais confirme que Maubeuge est une ville sensible, que la DGSI surveille, effectivement. Sébastien Chenu va alors raconter l’histoire à plusieurs journalistes, dans le but avoué de protéger Aymeric Merlaud. Tous vont appeler le ministère de l’Intérieur avant le premier tour et obtenir la même réponse. Le rendez-vous n’a laissé aucune trace et personne n’est au courant de rien. En ce qui concerne le commissaire D. B., le ministère ne peut rien dire, sauf qu’un fonctionnaire de la DGSI n’a aucune raison d’organiser un rendez-vous dans les locaux de la rue des Saussaies ! « C’est ubuesque, je suis le premier à l’admettre, souligne Aymeric Merlaud, mais quelle raison aurions-nous d’inventer une histoire pareille, mon directeur de campagne et moi ? » Seule hypothèse plausible, en définitive, quelques fonctionnaires isolés auraient pris l’initiative d’inciter le candidat RN à freiner sa campagne, sur la base d’informations connues d’eux seuls, sans passer par la sous-préfecture de Maubeuge, sans passer par leurs collègues en poste dans le Nord. S’ils ont agi ainsi, ils ont pris de grands risques en vain : Aymeric Merlaud est arrivé quatrième au premier tour à Maubeuge avec 12,6 % des voix, loin derrière le maire sortant, Arnaud Decagny (42 %), l’ancien député PS Rémi Pauvros (23,4 %) et le candidat divers-droite Jean-Pierre Rombeaut (14,7 %). Deuxième tour prévu le 21 juin.
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